Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/35

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famille impériale, et l’ancêtre des Mongous connus sous le nom d’Yuen tchao l’an 1279.

Ainsi il est très probable que ces villes n’ont été bâties qu’après le commencement du règne de Coblai ; c’est-à-dire, après l’an 1260, suivant le calcul chinois, qui est en ceci conforme au nôtre. Rubrequis parle de Kara coran comme d’un village, et on connaît d’ailleurs le génie de la nation, qui préfère l’usage des tentes aux commodités de quelque maison que ce soit.

Mais après avoir pris l’esprit chinois et s’être civilisés sous la domination de Coblai, prince aussi accompli que le sont les Chinois, on peut sans doute supposer que ne voulant pas paraître inférieurs à ceux qu’ils venaient de vaincre, ils commencèrent à bâtir dans leur Tartarie un assez bon nombre de villes, dont on voit encore les ruines en plus de vingt endroits différents, et peut-être encore en d’autres dont nous n’avons pas connaissance.

Les Mongous d’alors auront donc fait ce que font les Mantcheoux d’à présent, depuis l’heureux gouvernement de l’empereur Cang hi, par la magnificence duquel on a bâti des villes dans la Tartarie la plus éloignée, et de très belles maisons de plaisance dans la plus voisine, surtout à Geho et à Kara hotun dont le nom ressemble assez à Kara coran et signifie ville noire. Mais la situation est entièrement différente : ainsi l’époque des fondations de ces villes tartares doit être placée sur la fin du 13e siècle ; et comme par une révolution surprenante, les Chinois devinrent à leur tour victorieux sur la fin du siècle suivant, et qu’elles furent détruites ou abandonnées, il n’est pas surprenant, si dans une si petite durée elles n’ont pu élever des monuments magnifiques, capables d’éterniser leur mémoire.

La ville qui était sur le Kerlon était carrée, et avait de tour 20 lys chinois, ou deux de nos lieues. On en voit encore les fondements, de grands pans de muraille, et deux pyramides à demi ruinées. Son nom était Para hotun, c’est-à-dire, la ville du tigre ; parce qu’on prétend qu’elle fut bâtie à l’occasion d’un cri de tigre, qu’on prit pour un bon augure.

Il y a non loin de là un lieu nommé Kara ousson, où est un petit lac d’eau, et une belle fontaine dans une plaine assez fertile, où l’on rencontre des troupeaux de chèvres sauvages, des mules sauvages, etc. Savoir si c’est là qu’était Kara coran, la cour de Mango han, ou même de Kajou sou[1] son prédécesseur, vers lequel fut envoyé le dominicain de Lonjumeau, avec des présents magnifiques par S. Louis l’an 1249, c’est ce qu’il n’est pas facile de déterminer. Car d’un côté on ne voit pas qu’un si grand empereur de la Tartarie et de la Chine septentrionale, pût demeurer ailleurs que dans les pays qui sont au-dessous du fleuve Saghalien ou la : tout ce qui est au-delà ne peut être habité que par des sauvages ; ce qui sans doute ne convient pas au maître de tant de nations, chargé du gouvernement du plus grand empire du monde, et à une cour pleine non seulement d’officiers capables

  1. Ce Kajou sou étant selon l'histoire chinoise, le tai tsou, ou aïeul du premier empereur des Yuen, doit être l'aïeul de Coblai, qu'elle nomme aussi Che tsou selon la coutume.