Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/363

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un cerf, il aurait tué un de ses compagnons, s'il ne se fût détourné promptement, mais malheureusement la flèche alla friser l'oreille de l'empereur ; le cheval prit la fuite, et comme il était de l'écurie de l'empereur, le page courut après, et prit cette occasion pour ne pas paraître devant Sa Majesté du reste de la journée ; il revint la nuit avec son cheval ; et s'étant fait lier les mains derrière le dos, comme un criminel, il alla se mettre à genoux à la porte de la tente de l'empereur, pour s'abandonner à la discrétion de Sa Majesté, et marquer par cette contenance, qu'il se reconnaissait coupable et digne de mort ; l'empereur se contenta de lui envoyer faire une réprimande, avec ordre de lui dire, que quoiqu'il méritât la mort, il lui pardonnait, parce qu'il regardait cette faute comme une étourderie de jeune homme, à condition néanmoins, qu'à l'avenir il serait plus circonspect et plus attaché à son service. Le 30 nous commençâmes à tourner du côté du sud-ouest ; jusques alors nous avions toujours marché au nord-ouest. Nous prîmes beaucoup de l'occident, et fort peu du midi ; le bagage ne fit que trente lys, mais nous en fîmes plus de soixante avec l'empereur, qui commença la chasse à l'ordinaire, en appelant le cerf, il en tua un, et en blessa un autre, ensuite il fit faire une enceinte un peu plus grande que les autres ; il s'y trouva encore plus de cerfs. On les voyait sortir par troupes du bois qui était sur le penchant de la montagne, et dans cette seule enceinte on en tua cent-cinquante-quatre, avec huit chevreuils. L'empereur en tua de sa main vingt-deux. Il prit ensuite le chemin du camp, le long d'une vallée assez large, qui est arrosée d'un gros ruisseau. Cette vallée était pleine de faisans et de cailles ; l'empereur en tua plusieurs en volant à coups de flèche. Toute la vallée était battue par un rang de chasseurs ; tantôt Sa Majesté lâchait l'oiseau, ou le faisait lâcher sur les cailles et sur les faisans, tantôt il tirait à coups de flèche ceux qui se présentaient à lui, tantôt il les faisait prendre à la main, lors qu'étant lassés de voler, ils ne faisaient plus que courir, et se cacher dans les herbes ; j'en pris moi-même un qui s'arrêta tout court devant mon cheval, ne pouvant plus ni voler ni courir. Un peu après que nous fûmes arrivés au camp, le Grand lama de Kalka, avec son frère Touchetouhan, le premier prince des Kalkas, vinrent saluer l'empereur dans son camp. Sa Majesté leur avait dépêché trois jours auparavant un des principaux seigneurs de sa cour, pour les inviter de le venir voir. Lorsqu'ils furent proche du camp, l'empereur envoya plusieurs seigneurs au-devant d'eux, et quand ils y furent entrés, Sa Majesté les envoya recevoir par six de ses enfants à l'entrée de son quartier. Je les vis tous sortir à pied de l'enceinte des tentes de l'empereur, lorsqu'ils allaient jusques à l'entrée du quartier impérial, pour complimenter ce lama et son frère. Peu de temps après, ces deux princes furent conduits à l'audience. Ils étaient vêtus l'un et l'autre des habits de cérémonie que l'empereur leur donna l'année précédente ; mais ils avaient le bonnet à la mode de leur nation, ainsi que je l'ai décrit ailleurs ; comme Sa Majesté m'avait fait dire