Page:Du halde description de la chine volume 4.djvu/560

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que quand il paraît mourir, il ne fait que changer de demeure, en renaissant dans un corps tout neuf ; qu'il ne s'agit alors que de chercher en quel lieu il lui a plu de prendre une nouvelle naissance, et qu'il ne manque pas de se faire reconnaître. Quel bonheur pour le pays de l'avoir trouvé ! On a vu des princes tartares faire eux-mêmes cette recherche. Après tout, ils sont obligés de s'en rapporter à certains lamas, qui seuls sont instruits des signes auxquels il peut être reconnu, ou plutôt qui seuls connaissent quel est l'enfant que le précédent Grand lama a désigné pour être son successeur. C'est ainsi que la superstition ferme les yeux à tant de gens d'esprit de cet orient, d'ailleurs très habiles dans les affaires, et également attentifs à leurs intérêts ; ils paraissent ne pas s'apercevoir des artifices grossiers de leurs docteurs, et quand même il leur naîtrait des doutes, ils se plaisent trop dans leurs erreurs, pour vouloir en être détrompés. Terrible exemple de la faiblesse de l'esprit humain, et de la force des faux préjugés, dont souvent il se rend l'esclave ! Les prodiges qu'on attribue aux lamas, et certaines choses surprenantes qu'ils font quelquefois, ne contribuent pas peu à entretenir une superstition si aveugle et si générale ; cependant on n'a jamais rien ouï dire d'eux qui soit plus extraordinaire que ce qu'on rapporte de certains magiciens d'Europe ; et l'on ne voit pas qu'ils se soient jamais avisés d'entreprendre la résurrection de quelque mort, ou même de se l'attribuer en prenant des témoins, comme ils sont pour le reste. Outre le Grand lama, qui est le chef de la religion et le souverain du Thibet, il y a dans le pays d'autres princes, si toutefois ils méritent ce nom, qui ont des villes de leur dépendance, et un assez bon nombre de sujets ; ils portent l'habit de lama, et se disent les premiers officiers du Grand lama, quoique dans la vérité ils n'en dépendent qu'autant qu'ils veulent. En bien des endroits, qu'on a presque tous marqués sur la carte, on trouve de grandes pagodes, où demeurent les lamas les plus distingués. Ils ont différents titres d'honneur ; celui de houtouktou est un des plus grands, et il ne se donne qu'à ceux qui passent pour autant de petits Foe vivants. Ces houtouktous ne sont pas néanmoins fixés pour toujours dans ces endroits ; ils ont le droit de se placer où il leur plaît, selon que le pays leur agrée davantage. Ils ne se bornent pas au Thibet ; on en trouve aussi dans les États voisins ; on en voit en plusieurs endroits de la Tartarie. Il ne faut pas croire que ce ne soit que les habitants du Thibet qui puissent parvenir à la dignité de lama ; on voit des Tartares, et même des Chinois qui y aspirent, et qui vont à Lasa pour le devenir. Ceux qui peuvent être admis au rang des disciples du Grand lama, qui ne passent pas le nombre de deux cents, regardent ce choix comme un vrai bonheur et comme une grande fortune ; c’est parmi eux qu'on choisit les Grands lamas subalternes ; les houtouktous mêmes, quelques marques qu'ils s'imaginent avoir en eux de la présence de Foë, ne sont point reconnus pour tels,