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Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/323

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LE COMMERCE ET LA VIE

dans les liaisons des femmes avec les hommes, les choses se passent en tout bien tout honneur. Jamais des soupçons ne s’élèvent, et, du reste, nos femmes ne sont pas comme celles de votre pays. » Je fus si étonné de sa niaiserie que je le quittai sur-le-champ et ne remis plus les pieds chez lui. »

C’est à Oualata, vers l’an 1350, qu’Ibn Batouta notait avec indignation ces traits.

L’histoire nous a montré que Tombouctou grandit grâce à l’immigration des gens de Oualata. Commerçants et savants ne furent évidemment pas sans emporter leurs mœurs, en même temps que leur commerce, leurs richesses et leur science. Dans un chapitre général intitulé : Ce que j’ai trouvé de mauvais dans la conduite des noirs, le même auteur dit encore :

« Leurs esclaves mâles et femelles et les jeunes filles paraissent tout nus en public, sans rien cacher. Au mois de Ramadan même j’en ai vu un grand nombre se montrer ainsi, car il est d’usage que les principaux rompent le jeûne chez le sultan, et chacun se fait apporter des vivres par une vingtaine, ou même plus, de jeunes esclaves toutes nues. Les femmes se découvrent le corps et la figure pour paraître devant le sultan, et ses propres filles font de même. La veille du Ramadan, je vis environ cent jeunes filles nues sortir du palais avec des vivres ; elles étaient accompagnées par deux des propres filles du Sultan, jeunes personnes déjà formées, et n’ayant rien sur le corps ni sur le sein. »

Ibn Batouta était un personnage de haute culture, et pieux autant que savant, un homme fortement pénétré des mœurs voilées de l’Islam. De pareilles coutumes ne pouvaient évidemment que choquer et indigner un esprit aussi élevé. Pourtant, imaginez ces mêmes tableaux passant devant les yeux du vulgaire : marchands, commis, chameliers, qui étaient les habituels visiteurs du Soudan. Ceux-là devaient le voir d’un tout autre œil. Nés dans ce monde arabe où les hommes et les