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Page:Dubois - Tombouctou la mystérieuse, 1897.djvu/78

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TOMBOUCTOU LA MYSTÉRIEUSE

sistible, vers le mois de septembre, à Mopti où il rencontre le Bani, un affluent monstre, qui vers le même moment arrive, en ce même point, avec un volume d’eau presque aussi formidable que le sien. Ainsi renforcée, l’armée des eaux est devenue innombrable, immense, infinie. Le lit du fleuve est trop étroit. Il étouffe entre ses rives. En avant, en arrière même, de toutes parts il cherche des issues, se rue dans la moindre dépression, envahit le plus petit passage. Alors se produit ce que j’appellerai : l’affolement du Niger.

Affolement heureux, s’il en est. Le fleuve se précipite sur toute cette région basse de Diafarabé à Tombouctou, la couvre, la noie — et d’une steppe de sables stériles fait une des régions les plus fertiles de l’univers. Dans cette vaste dépression il a charrié, depuis des siècles, un bienfaisant limon végétal, effacé les sables, et l’a transformée en un véritable grenier d’abondance. Ce n’est pas comme en Égypte un seul delta que nous trouvons, mais trois.

Le premier va de Diafarabé aux abords du lac Débo. Sur sa rive gauche, le Niger ayant trouvé deux exutoires propices, forme les marigots de Diaka et de Bourgou. La branche principale et ses deux bras suivent une direction parallèle et vont se jeter tous trois dans le Débo. Malgré ces dérivations, les eaux restent tellement abondantes que les trois lits communiquent entre eux par des canaux naturels. Sur la rive droite, le Bani est, de la même manière, relié au Niger.

C’est là un véritable et complet système d’irrigation pour lequel l’homme n’a pas eu à accomplir le moindre travail. La fécondité est répandue ainsi à travers les terres sur plusieurs milliers de kilomètres carrés. La hausse et la baisse des eaux est aussi régulière qu’entre les digues du Nil, mais elle s’étend infiniment plus au loin. En septembre on compte de l’est à l’ouest, à Mopti par exemple, cent quarante kilomètres inondés à deux ou trois mètres de profondeur. Dans