Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/23

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de la troisiéme Race, ne donnoit point à nos Auteurs des moyens suffisans pour découvrir l’erreur dont il est ici question. Il étoit presqu’impossible qu’ils tirassent des écrits composés avant la corruption de notre Histoire, les lumieres nécessaires pour la rétablir. Quelques réflexions sur l’état où les Lettres ont été sous les deux premieres Races de nos Rois & sous les premiers Rois de la troisiéme Race, expliqueront comment une erreur si opposée à la verité, a pû néanmoins & s’établir & durer plusieurs siécles.

Il est vrai que tant que l’Empire d’Occident subsista, les Lettres fleurirent dans les Gaules, l’une de ses Provinces les plus polies. On verra même, par ce que je dirai dans la suite de ce discours, au sujet des monumens litteraires, dont on peut se servir pour rétablir le commencement de notre Histoire, qu’il nous reste encore aujourd’hui un grand nombre d’écrits composés durant le cinquiéme siecle, quoique nous n’ayons pas à beaucoup près tous ceux qui furent faits dans ce tems-là. Mais dès que l’Empire d’Occident eut été détruit par les Barbares à la fin du cinquiéme siecle, dès que les Nations Germaniques se furent renduës entierement maîtresses des Gaules dans le cours du sixiéme, les Lettres commencerent à y être négligées. Voyons ce que dit à ce sujet Gregoire de Tours dans la Préface de son Histoire qu’il composa vers l’année cinq cens quatre-vingt-douze, & par conséquent environ cent ans après que les Gaules eurent paffé sous la domination des Francs.

» En un tems où l’étude des Lettres humaines cesse d’être cultivée avec soin, ou pour dire la verité depuis qu’elle est entierement abandonnée dans les Gaules maltraitées par les Barbares, comme il ne s’y trouve plus personne qui soit à la fois assez bon Grammairien & assez bon Logicien pour écrire, soit en Vers, soit en Prose les divers évenemens qui nous arrivent, on entend souvent le monde se plaindre, en disant : Que notre siecle est malheureux : Les Sciences que nous avons négligées, se sont retirées hors de notre Patrie.