Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/237

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les communes de ces colonies. Sans sortir de l’ancien district de Tongres, on y trouveroit bien encore aujourd’hui quelque canton dont les habitans pourroient être capables de dîmer au moins, le bétail qui viendroit de loin paître trop près de leurs villages.

Il est vrai que l’Alve s’appelle en latin alba, et non pas albis, comme Claudien a écrit ; mais ce poëte aura cru qu’il lui étoit permis de changer pour rendre son vers plus harmonieux la derniere syllabe de ce mot, et il aura pris cette licence avec d’autant moins de scrupule, qu’elle ne déguisoit point le mot propre dont il s’agit. Quelle que fût la terminaison du mot, soit qu’on dît ou albis ou alba, il étoit facile de reconnoître à l’aide des circonstances qu’elle étoit entre les rivieres qui portoient un nom à peu près semblable, et tiré de la couleur blanchâtre de leurs eaux, celle dont l’on entendoit parler.

Il est certainement bien plus apparent que Claudien ait pris cette licence poëtique, ou même que cet auteur né en Egypte n’ait point sçû la véritable terminaison du nom latin de l’Alve, qu’il ne peut l’être que Claudien ait voulu dans cet endroit parler de l’Elbe, ce grand fleuve qui traverse la Germanie et se jette dans l’océan. Enfin, et cela seul pourroit suffire, Sidonius Apollinaris appelle albis et non point alba, la riviere dont il s’agit. Ce qu’il en dit en écrivant que les Francs de la tribu des Cattes qui étoient en mouvement pour faire une invasion dans l’intérieur des Gaules, se retirent au-delà de son lit, fait bien voir qu’il n’entend point parler de l’Elbe. Je n’ignore point que le sentiment que je combats, est celui de plusieurs auteurs modernes ; mais il me paroît mal fondé. En premier lieu, on ne voit pas que les Francs ayent eu dans le quatriéme siécle et dans le cinquiéme des établissemens au nord de l’Elbe. En second lieu, il est sans apparence que les habitans des Gaules ayent jamais envoyé leurs bestiaux paître au-delà de ce fleuve, qui dans tout son cours ne s’approche du Rhin, qu’à la distance de plus de soixante de nos lieuës. Or le lit du Rhin servoit de limite aux Gaules. Il y a des païs si arides pendant l’été, qu’il faut que le bétail aille durant cette saison chercher des pâturages dans les contrées éloignées, mais plus humides. Il faut que les bestiaux de la Calabre viennent tous les étés chercher de l’herbe verte dans l’Abruzze. Ceux des plaines d’Espagne vien-