Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/274

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preuve est que Zosime ne rapportoit la prise de Rome, car nous avons perdu l’endroit de son histoire où il en faisoit mention, qu’après avoir rapporté la révolte des Armoriques.

D’où venoit tant d’audace aux Bretons insulaires comme aux Armoriques ? De leur désespoir, et de la confusion extrême où se trouvoit alors l’empire d’Occident. Elle y étoit si grande dès le commencement de l’année quatre cens dix, qu’Honorius n’osa nommer un consul qui n’auroit été reconnu que dans les murs de Ravenne. Les fastes de Prosper disent qu’il n’y eut cette année-là qu’un consul, celui qui avoit été nommé par l’empereur d’Orient, et que la prise de Rome en fut la cause. D’ailleurs nos révoltés ne se soulevoient point contre un empereur redoutable par son génie, et par sa puissance, ils ne se soulevoient point contre un prince, dont l’autorité leur fût respectable, parce qu’il regnoit depuis long-tems. Ils ne faisoient que secoüer le joug de Constantin, d’un homme de fortune qu’un gros de soldats mutins avoient fait empereur il n’y avoit que deux ans, et qui devoit son élévation à la malignité des conjonctures. Qui sçait même si les partisans qu’Honorius devoit avoir encore dans les Gaules, nonobstant qu’elles reconnussent Constantin, n’attiserent point le feu de la sédition, et s’ils ne persuaderent point aux gens bien intentionnés pour la conservation de l’Etat, qu’il falloit secouer le joug du tyran, et que ceux qui se révolteroient contre lui, seroient avoués du souverain légitime. Enfin si les peuples du commandement Armorique étoient par leur état citoyens romains, ils étoient aussi Gaulois par leur naissance. Or Trebellius Pollio qui écrivoit sous le regne de Constantin Le Grand, dit en parlant de la révolte des armées et du peuple des Gaules contre l’empereur Gallien : les Gaulois sont legers de leur nature : ils n’ont point d’ailleurs pour l’empire l’attachement que devroient avoir des citoyens romains. Ainsi dédaignant des maîtres plongés dans le luxe, ils proclamerent avec le concours des armées, un nouvel empereur, qui fut Posthume. Depuis l’édit de Caracalla qui avoit donné à tous les Gaulois le droit de bourgeoisie romaine, les légions qui servoient sur le Rhin, devoient être presque toutes composées de soldats nés en-deçà des Alpes.