Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/297

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Voilà ce qui fit suspendre au Roi Ataulphe toutes sortes d’hostilités, & rechercher la paix. Sa femme Placidie, Princesse qui joignoit à un esprit perçant beaucoup de religion, n’avoit pas peu contribué à le faire entrer dans ces sentimens débonnaires.

Les peuples qui s’établissent dans les païs éloignés de leur patrie, changent bien de caractere et de mœurs au bout de quelques générations. Ces Visigots, que leur roi croyoit incapables des vertus civiles les plus nécessaires dans une societé, s’établirent à quelque tems delà en Espagne, et c’est d’eux qu’étoient descendus ces vieux Castillans si sages et si fermes, enfin nés avec un talent si superieur pour le gouvernement des nations étrangeres.

L’inquiétude que donnoit aux Visigots le patrice Constance, qui commandoit dans les Gaules pour Honorius, aura peut-être autant contribué à faire prendre au roi Ataulphe des sentimens de modération, que toutes les réflexions dont l’histoire d’Orose nous rend compte. En effet, le géneral romain se conduisoit avec tant de prudence et tant d’habileté, il étoit si dévoué aux interêts de sa monarchie, qu’il faisoit dire à tous ses concitoyens ; « Que les empereurs avoient eu grand tort de ne pas confier toujours leurs armées à leurs Sujets naturels, au lieu d’en abandonner le commandement à des Géneraux ou à des Comtes Barbares. »

Ataulphe, conformément à ses bonnes intentions et à ses interêts presens, traita donc avec Honorius, et il paroît que les conditions de leur accommodement furent que les Visigots abandonneroient la protection d’Attale, et qu’ils évacueroient les Gaules, d’où ils passeroient en Espagne, pour y faire la guerre au nom de l’empire contre les barbares qui s’étoient cantonnés dans cette province et pour la réconquérir. Il étoit sans doute permis aux Visigots par cette convention, de prendre des quartiers en Espagne, et principalement dans les lieux d’où ils chasseroient les Vandales, les Alains et les autres étrangers. Ce que dit Idace sur l’accommodement d’Ataulphe, qui se fit à la fin de l’année quatre cens quatorze, ou au commencement de l’année quatre cens quinze, semble pouvoir signifier que cet accommodement fut précedé par quelque action de guerre dans laquelle Ataulphe auroit reçu un échec.