Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/32

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à moins que quelques-unes de leurs circonstances ne semblent les rendre miraculeux, ou qu’un saint personnage n’y ait eu beaucoup de part.

Notre Historien obmet par le même motif, de faire aucune mention de plusieurs évenemens considérables arrivés depuis le baptême de Clovis, parce qu’il croyoit, suivant les apparences, qu’ils sussent étrangers à son sujet. Par exemple, il ne dit rien de la Ligue offensive que Clovis fit avec les Bourguignons avant que de s’engager dans la guerre contre les Visigots[1]. Gregoire de Tours ne parle pas non plus de la cession que l’Ostrogot fit vers l’année cinq cens trente-six aux Rois des Francs, de tout ce qu’il tenoit encore dans les Gaules, & de tous les droits sur cette grande Province, non plus que de la confirmation de cette cession par l’Empereur Justinien. Enfin, quoiqu’on ne sçache qu’imparfaitement l’Histoire du sixiéme siécle, on pourroit néanmoins alléguer bien d’autres exemples des omissions qui se trouvent dans le corps de l’Histoire Ecclesiastique des Francs. Elles y sont en si grand nombre, qu’on ne sçauroit presque jamais fonder sur le silence de son Auteur, aucune objection raisonnable contre la vérité d’un fait particulier, dont nous avons quelque connoissance tirée d’ailleurs. Que peut prouver en effet dans ce cas-là le silence de Gregoire de Tours, quand il ne dit pas un seul mot du Concile Nationnal, que Clovis fit tenir en cinq cens onze dans Orleans, quoiqu’il soit constant que ce Concile, dont nous avons encore les Canons, a été tenu : C’est sur quoi je prie les Lecteurs de faire attention. C’est ce dont je les supplie de le souvenir.

Enfin, Grégoire de Tours ne donne presque jamais la date des évenemens qu’il rapporte, de manière qu’on dispute encore aujourd’hui sur l’année où plusieurs de ces évenemens sont arrivés. Je ne veux point attaquer davantage la réputation de cet Auteur ; mais si l’on regarde celui de ses ouvrages dont il est ici question, comme le flambeau de notre Histoire, ce n’est point parce qu’il met en un grand jour l’origine & les premiers accroissemens de la Monarchie Françoise ; C’est parce que nous n’avons pas une lumiere qui répande plus de clarté : c’est parce qu’à la lueur de ce flambeau, toute pâle qu’elle est, nous découvrons bien des choses que nous ne verrions point, si nous n’en étions pas éclairés.

Nous avons déja parlé de l’abregé de l’Histoire Ecclesiastique des Francs par Frédégaire, qui est aussi l’Auteur d’une Chronique, qui commençant vers l’année cinq cens quatre-vingt-douze, finit à l’année six cens quarante & un, & sans laquelle nous igno-

  1. En 506.