Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/383

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que dès le septiéme siécle, on eût oublié comment et dans quel tems elle étoit venue au pouvoir de nos rois. Je pense donc qu’on peut croire ce qu’en dit ici l’auteur des gestes. D’ailleurs la narration de cet historien est par elle-même très-vraisemblable. Quand il fait passer Clodion par la forêt charbonniere, pour le faire venir de Duysborch à Tournay, il fait tenir à ce prince précisément la route qu’il devoit tenir. Cette forêt qui faisoit une partie des Ardennes, renfermoit le lieu où Louvain a été bâti depuis, et elle s’étendoit jusqu’au païs des Nerviens, c’est-à-dire, jusqu’à la cité de Tournay[1].

Suivant les apparences la conquête de Clodion ne lui fut pas bien disputée. En premier lieu il tomba sur les Romains lorsqu’ils ne s’attendoient pas d’être attaqués. En second lieu, il fut apparemment favorisé, par les Francs qui étoient établis déja dans la cité de Tournay. On a vû ci-dessus, que l’empereur Maximien y avoit donné des terres à une peuplade de cette nation.

La situation des deux cités que les Francs occuperent alors, et l’état malheureux où se trouvoit l’empire romain, rendirent l’établissement qu’ils y firent, un établissement solide. Ces cités étoient situées à l’extrêmité septentrionale des Gaules, et rien ne leur coupoit la communication ni avec le païs de Tongres, où il y avoit déja d’autres Francs cantonnés, ni avec le Wahal, et par conséquent avec l’ancienne France. Clodion ne pouvoit être attaqué par les Romains, que du côté du midi. Le païs qui s’étend depuis Tournay jusqu’au Wahal, comme jusqu’à la Meuse, et qui est aujourd’hui si peuplé, si rempli de grandes villes, et si herissé de places fortes, étoit encore dans le cinquiéme siécle dénué de villes, et plein de forêts ou de marécages. On n’avoit point encore creusé les canaux qui donnent à ce païs-là le moyen de s’égouter. Il n’étoit gueres praticable à des hommes moins accoûtumés à brosser dans les bois, et à franchir les flaques d’eaux que les sujets de Clodion. Aussi verrons-nous que lorsqu’Aëtius voulut attaquer ce prince, il l’attaqua du côté des plaines de notre Artois. On sçait bien que ç’a été seulement sous la domination de nos rois, qu’on a bien défriché le païs qui est entre l’Artois, l’ocean, le Rhin et les Ardennes, et que les grandes villes dont il est si rempli qu’elles sont en vûë les unes des autres, n’ont été bâties que dans ces tems-là. Bruges, Gand, Anvers, Bruxelles, Malines, Louvain et les autres villes de ce territoire

  1. Notit. Gall. ad vocem, Sylvia carbonaria.