Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/424

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mis. Les Romains auront sçu le projet d’Attila, avant que la mort de Theodose eût déterminé Attila à l’exécuter incessamment. D’ailleurs, comme nous le dirons, Attila pour faire réussir son projet, traita avec les Alains, qui depuis dix ans étoient dans les Gaules, où ils avoient des quartiers sur la Loire ? Ne se seroit-il trouvé personne parmi eux assez fâché de la mort de Bléda, ou bien assez ami du patrice Aëtius, qui dans tous les tems avoit eu de si grandes liaisons avec cette nation, pour l’avertir des menées d’Attila ? Aëtius n’avoit-il pas des espions dans les Etats de ce prince ? Enfin suivant le cours ordinaire des choses, un projet tel que celui du roi des Huns, ne sçauroit être mis en exécution que dix-huit mois après qu’il a été conçû, et un an après qu’il a été ébruité. Ainsi puisque ce prince est entré dans les Gaules dès le mois de février de l’année quatre cens cinquante et un, comme nous le verrons, il faut que son projet y ait été sçû au plus tard, dès l’année quatre cens cinquante. Il y a plus : comme la possibilité qui est dans ces sortes d’entreprises, fait que plusieurs personnes les imaginent souvent, avant que celui qui est destiné à les exécuter, les ait projettées, ou qu’il se soit résolu déterminément à les tenter, on aura parlé dans les Gaules du dessein d’Attila peut-être avant qu’il l’eût formé, et ce qu’on en aura dit trois ou quatre ans avant l’évenement, aura paru si bien fondé au patrice Aëtius, qu’il aura voulu pacifier les Gaules à quelque prix que ce fût.

D’ailleurs nous avons des preuves historiques qu’on fut informé du projet d’Attila dans les Gaules, long-tems auparavant qu’il y entrât pour l’exécuter. Gregoire de Tours, avant que de parler des ravages qu’Attila y fit, et du siége qu’il mit devant Orleans, raconte que le saint homme Aravatius, qui pour lors étoit évêque de Tongres, se mit en prieres sur la nouvelle qui couroit que les Huns alloient faire une invasion en-deçà du Rhin. Il ne cessa durant plusieurs jours, dit notre historien, de demander au ciel d’écarter les malheurs prêts à fondre sur les Gaules. Mais ce prélat convaincu qu’il n’avoit aucun sujet de croire que ses prieres fussent exaucées, prit le parti d’aller à Rome pour les y continuer sur le tombeau des saints apôtres. Il fit donc ce pelerinage, où tout ce qu’il put obtenir, fut d’apprendre par révelation, qu’il ne seroit pas le témoin des malheurs de sa patrie, et que le