Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/440

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Après la jonction des Visigots, l’armée Romaine s’approcha de la cité d’Orleans, dont on voyoit bien alors qu’Attila vouloit faire le théâtre de la guerre. Il semble que les regles de l’art militaire vouloient qu’Aëtius se retranchât sous la capitale, et qu’il y attendît les Huns dans un camp bien fortifié. Mais Aëtius qui n’avoit pas encore assemblé toutes ses forces, comprit que s’il se laissoit une fois entourer par l’armée innombrable d’Attila, il ne pourroit plus être joint par les Francs et par les autres alliés de l’empire qui devoient venir à son secours de toutes les parties septentrionales des Gaules, et qui n’avoient pas voulu s’éloigner de leur païs, tant que les Huns avoient été à portée d’y entrer.

Les maximes de l’art militaire prescrivent au général qui fait la guerre au milieu de son propre païs contre des ennemis étrangers, de ne point leur livrer une bataille rangée, qu’il n’y soit forcé par quelque nécessité insurmontable. Ainsi le dessein d’Aëtius étoit très apparemment, de ne point en venir à une action décisive, mais il vouloit si jamais il se trouvoit réduit à donner une bataille, ne la point donner du moins, que tous les secours qui étoient en marche pour se rendre à son camp ne l’eussent joint. Dans cette résolution il prit un parti sage, quoiqu’il puisse avoir été traité alors par bien du monde, de parti trop timide ; ce fut celui de s’éloigner d’Orleans, pour occuper probablement, sur les bords de la Seine quelque poste avantageux, où il pût être joint facilement par ses alliés, et où l’ennemi ne pût point l’attaquer, sans s’exposer à une défaite presque certaine.

Il est vraisemblable qu’Aëtius n’avoit point été jusqu’au tems où il fit le mouvement timide en apparence, duquel nous venons de parler, sans avoir des avis certains de la trahison de Sangiban roi de ces Alains, qui avoient des quartiers sur la Loire, et de la promesse qu’il avoit faite au roi des Huns de lui livrer Orleans. Le général romain aura néanmoins dissimulé long-tems qu’il sçût rien de cette intelligence, dans la crainte qu’Attila, s’il apprenoit que son premier projet étoit découvert, avant qu’il en eût commencé l’exécution, n’en formât quelqu’autre qu’on ne pourroit point déconcerter, parce qu’on n’en seroit point instruit à tems. Mais dès qu’Attila se fut avancé à une certaine distance d’Orleans, et lorsqu’il fallut que l’armée Romaine s’éloignât de cette place, il ne fut plus nécessaire de feindre, et les regles de la guerre ne le permettoient pas. Ainsi Aëtius prit toutes les précautions qu’il lui