Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/470

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en conservoit une autre, qu’il ne pouvoit garder sans l’épuiser en même-tems ; et que ces citoïens persuadés d’un autre côté que l’empereur ne viendroit jamais à bout de reprendre ce que tenoient les barbares, voulussent se donner à certaines conditions à ces mêmes barbares, afin de n’avoir plus à faire la guerre continuellement ; on n’en sçauroit douter. On verra même dans la suite, que les Romains de la Gaule, je dis des plus considérables, ont quelquefois exhorté le barbare d’achever de se rendre maître de leur patrie. Ce qui empêcha jusques au regne de Clovis que les Romains des Gaules ne prissent tous de concert, et qu’ils n’executassent le dessein de se jetter entre les bras des barbares, c’est que ces derniers étoient encore ou payens comme les Francs et les Allemands, ou Ariens comme les Visigots et les Bourguignons, et que le gros de ces Romains ne pouvoit pas se résoudre à se donner à un maître ou idolâtre ou héretique. Aussi c’est peut-être par cette raison-là, que Sidonius Apollinaris a soin de faire mention dans son épître du peu de zéle que Theodoric avoit pour sa secte. Cependant Sidonius dans les lettres qu’il écrivit, lorsque les Visigots se furent rendus maîtres de l’Auvergne, ce qui n’arriva que plusieurs années après la mort de Theodoric, témoigne tant d’affliction de voir sa patrie sous leur joug, que j’ai peine à croire, qu’il ait jamais souhaité qu’elle fût soumise à leur domination. Peut-être aussi, le changement des circonstances, aura fait changer de sentiment à Sidonius. Il aura souhaité de voir passer l’Auvergne sous le pouvoir de Theodoric, prince sage, et nullement ennemi des Catholiques ; mais il aura été au desespoir de la voir passer sous la domination d’Euric, le successeur de Theodoric, parce qu’Euric étoit un prince violent et cruel persécuteur de la véritable religion. D’ailleurs Sidonius qui étoit encore laïque, lorsqu’il écrivit la lettre dont nous avons rapporté le contenu, étoit devenu évêque de l’Auvergne, lorsqu’Euric s’en mit en possession, ce qui n’arriva comme nous le verrons que vers l’année quatre cens soixante et quinze.