Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/497

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présentes à l’esprit n’allégue point d’autres raisons. Il ne rapporte point d’autres faits que celui de la réprobation d’Iréne, et de l’élection de Charlemagne. Or ce fait ne prouve point que les citoyens de Rome ayent cru, après la division de leur monarchie, avoir aucun droit de disposer du partage d’Orient. Il faudroit pour cela qu’ils eussent proclamé Charlemagne empereur d’Orient, ce qu’ils ne firent pas. Ils se contenterent de le proclamer empereur d’Occident. Si les habitans de cette ville oserent alors se soustraire à l’obéissance du trône d’Orient, ce fut parce qu’on y avoit fait asseoir une femme contre une des loix fondamentales de la monarchie. D’ailleurs cet évenement n’arriva que dans le huitiéme siecle, et après que les differentes révolutions survenues dans les provinces qui composoient durant le cinquiéme siecle l’empire d’Occident, y eurent changé le droit public.

Je crois que l’erreur de Grotius, supposé que ce soit lui qui se trompe, vient de ce qu’en prenant son parti, il n’aura point fait attention que le droit de bourgeoisie Romaine n’étoit point un droit attaché au domicile ni à l’habitation dans Rome, mais un droit attaché à la filiation, et pour ainsi dire, inhérent au sang de ceux qui en jouissoient. Je m’explique.

Il y a des villes dont on devient citoyen par la seule habitation. Le droit d’être un des membres de la communauté y est si bien attaché au domicile, que dans quelques-unes de ces villes il suffit d’y avoir demeuré un tems, et que dans les autres il suffit du moins d’y être né pour y pouvoir jouir des droits annexés à la qualité de citoyen. Dans les villes, où le droit de citoyen s’acquiert par l’habitation, il se perd par l’absence. Un citoyen de ces villes-là, qui a transporté son domicile dans une autre ville, ne transmet point le droit, qu’il avoit apporté en venant au monde, aux enfans qui lui naissent dans son nouvel établissement. Ces enfans n’ont point le droit de citoyen dans la patrie de leur pere. Ils y sont étrangers, bien que leurs ancêtres y ayent été citoyens durant plusieurs générations. Les villes de France, d’Angleterre et des Païs-Bas où Grotius étoit né, sont de celles dont je viens de parler. On observera même que les restrictions faites par quelques-unes de ces villes, à la loy commune, afin de n’admettre aux emplois municipaux les plus importans, que les petits-fils des étrangers qui s’y seroient domiciliés, sont des statuts postérieurs au tems où Grotius écrivoit, et d’ailleurs des exceptions qui prouvent la regle.

Il y a d’autres villes où le droit de citoïen ne s’acquiert point