Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/526

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étoient barbares et payens, ayent choisi pour leur roi un Romain qui étoit chrétien ; supposé qu’ils l’ayent élû, ce Romain a-t-il pû accepter leur couronne ? N’a-t-il pas dû en être empêché par la crainte de se rendre suspect à l’empereur.

J’en ai déja dit assez pour montrer que les Francs sujets de Childéric se trouvoient, après la déposition de ce prince, dans des circonstances, où il leur convenoit de choisir un Romain tel qu’Egidius pour les gouverner. Il est vrai que ces Francs étoient encore payens, et qu’Egidius étoit catholique, mais rien n’étoit plus commun dans ces tems-là, que de voir le soldat payen obéir à un officier chrétien, et le soldat chrétien obéir à un officier payen. Sans parler des Romains qui, comme Litorius Celsus, étoient encore payens dans le cinquiéme siécle, la plûpart des officiers barbares qui servoient l’empire alors, étoient idolâtres. Combien y avoit-il de subalternes et de soldats de la religion dominante, qui pour lors étoit la chrétienne, dans les troupes que ces officiers commandoient. Les Saliens qui choisirent Egidius pour roi, ne lui obéissoient-ils pas déja auparavant comme au géneralissime qui commandoit dans le païs où ils étoient cantonnés ?

En quelle langue, dira-t-on, Egidius qui étoit Romain pouvoit-il se faire entendre à ses nouveaux sujets, dont la langue naturelle étoit la langue tudesque ou germanique. Je ne me prévaudrai pas de ce que nous avons vû de nos jours, des rois gouverner des sujets dont ils n’entendoient point la langue naturelle. Je puis alléguer des raisons plus satisfaisantes. En premier lieu, je dirai qu’Egidius né dans les Gaules, et qui toute sa vie avoit servi dans des armées, où il y avoit tant de troupes composées de soldats germains, pouvoit bien avoir appris le tudesque, et probablement il le sçavoit assez pour entendre ceux qui lui parloient en cette langue, et pour s’y faire entendre. Egidius aura voulu sçavoir le tudesque par la même raison que les officiers françois vouloient durant les guerres terminées par le traité de Munster et par le traité des Pyrenées, sçavoir l’allemand. Ce qui est certain, c’est que le fils d’Egidius, le Syagrius celebre dans le commencement de nos annales, sçavoit si bien, comme nous le verrons, la langue des peuples germaniques, que ces barbares appréhendoient de faire des barbarismes lorsqu’ils la parloient devant lui.

Je dirai en second lieu, qu’il est plus que probable que les Francs sujets de Childéric parloient, ou du moins, que géné-