Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/533

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le dit assez, et c’est même, comme pénétré d’un pareil sentiment que s’explique un des rois des Bourguignons dans une lettre qu’il écrit à l’empereur des Romains d’Orient, et que nous rapporterons en son lieu[1]. Ici je me contenterai, pour confirmer la conjecture que je viens d’avancer concernant Egidius, que lorsque les Romains avoient à parler d’un prince qui étoit à la fois l’un des rois de sa nation, et l’un des grands officiers de l’empire, ils dédaignoient de le nommer roi, et qu’ils ne le designoient que par le titre de la dignité que l’empereur lui avoit conferée. Quand le pape Hilaire dans une lettre qu’il adresse à Leontius évêque d’Arles parle, de Gundiacus ou Gunderic, roi des Bourguignons, et maître de la milice, c’est par ce dernier titre qu’il désigne le roi des Bourguignons[2]. Quand Sidonius Apollinaris fait mention de Chilpéric, fils de Gunderic, et qui comme son pere étoit à la fois roi des Bourguignons et maître de la milice, il ne l’appelle point le roi Chilperic , mais Chilperic maître de la milice. Enfin lorsqu’Alcimus Avitus fait mention de Sigismond neveu de ce Chilperic, et qui étoit en même-tems roi des Bourguignons et patrice, il l’appelle le patrice Sigismond et non pas le roi Sigismond[3].

Le titre de roi des Francs, qu’Egidius aura pris ou qu’il n’aura pas pris, et le pouvoir que ce titre lui donnoit, n’ont point dû par conséquent exciter la jalousie des ministres de Majorien, ni mériter que dans le tems même il en fût beaucoup parlé. Ainsi la seconde objection que le Pere Daniel fait contre la vraisemblance de l’évenement dont il est ici question, et qu’il tire du silence des auteurs contemporains, se trouve réfutée suffisamment par les mêmes raisons que nous avons employées à combattre la premiere. Je me contenterai donc de faire une simple remarque sur cette seconde objection. On se figure d’abord en la lisant que nous ayons plusieurs volumes d’histoires, où les évenemens arrivés dans les Gaules pendant le tems qu’Egidius gouvernoit les Francs établis dans le Tournaisis, soient narrés fort au long par des auteurs contemporains. Cependant tous les écrits composés dans ce tems-là, et que nous avons encore, se réduisent à la cronique d’Idace, et à quelques ouvrages, soit en prose, soit en vers,

  1. Liv. 5. Ch. 3.
  2. Lib. 6. Ep. 6.
  3. Ep. 7.