Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/599

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sçauroit sortir. En premier lieu, les évenemens qu’on fait raconter à Gregoire de Tours sont tels qu’il est impossible de les croire. Suivant ce que dit cet historien immédiatement avant notre passage, Childéric et Paulus faisoient conjointement la guerre aux Visigots, et suivant ce passage entendu comme on l’entend communément, Childéric auroit changé brusquement de parti, et il se seroit joint à Audoagrius pour attaquer le comte Paulus et pour prendre Angers. Childéric peu de tems après auroit encore changé d’écharpe une seconde fois, et redevenu l’allié des Romains, il les auroit servis contre les Saxons. A quelque tems de-là Childéric se seroit raccommodé avec Audoagrius qu’il venoit de trahir, et comme nous le dirons bien-tôt plus au long, Audoagrius auroit eu néanmoins assez de confiance en un prince aussi leger que Childéric, pour entreprendre avec lui une expédition dans laquelle on ne pouvoit point avoir un ami trop assuré. Supposé qu’en si peu de tems Childéric eût changé trois fois de parti, Gregoire de Tours tout succinct qu’il est sur l’histoire de ce roi des Francs, auroit inseré quelque mot dans sa narration, soit pour blâmer, soit pour justifier la conduite du pere de Clovis.

En second lieu, l’interprétation ordinaire du texte de Gregoire de Tours est démentie par la suite de notre histoire, qui fait foi que Clovis à son avénement à la couronne n’étoit maître que de la cité de Tournay et de quelques contrées adjacentes. Nous verrons par le témoignage de Procope, de Grégoire de Tours et d’autres écrivains, que ce fut partant de là et successivement que Clovis agrandit son royaume, en l’étendant d’abord jusqu’à la Seine et dans la suite jusqu’à la Loire. Cette derniere extension de ses états ne se fit même qu’après son batême. Cependant, si Childéric eût pris Angers, il s’ensuivroit qu’il auroit laissé l’Anjou et par conséquent plusieurs cités qui sont entre Angers et Tournay au roi son fils. Aucun écrivain ancien ne dit que les Romains ayent jamais repris Angers sur Childéric. Aussi voyons-nous que plusieurs de nos historiens modernes sont obligés après avoir entendu le passage dont il est question dans le sens ordinaire, de dire ; que l’Etat sur lequel regnoit Chil-