Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les trois siécles anterieurs, par des personnes nées dans les Gaules, ont été écrits en Latin. Toutes les inscriptions faites alors dans ce pays et qui nous restent, sont en cette langue. Plus les Romains avoient de prédilection pour la Nation Gauloise, plus ils devoient avoir d’attention à l’engager d’apprendre à parler la langue de l’Empire. On ne pouvoit point le servir, même dans les Gaules, si l’on ne sçavoit pas le Latin, qui étoit la langue de l’Etat. Que les Romains ayent cru qu’il leur étoit d’une extrême importance d’obliger tous les sujets de l’Empire à parler la langue de l’Empire, on n’en sçauroit douter. La raison d’Etat le vouloit ainsi ; et saint Augustin dit positivement, que Rome après avoir imposé son joug aux Nations, avoit encore voulu les assujettir à parler sa langue.

Quoique le Latin fût devenu la langue generale des Gaules, et que toutes les personnes, du moins celles qui avoient quelque éducation, le parlassent, néanmoins il n’y avoit pas fait oublier les anciennes langues. Les mots Gaulois qui entrerent dans la langue Françoise lorsqu’elle commença de se former sous nos Rois de la seconde Race, en sont une preuve qu’on ne sçauroit contester[1]. La langue Latine aura donc été pendant le cinquiéme siecle d’un usage aussi commun dans les Gaules, que la langue Françoise l’est aujourd’hui à Dunkerque, et cependant les anciens Habitans des Gaules auront toujours conservé l’usage de leurs anciennes langues, comme les Habitans de Dunkerque conservent toujours l’usage du Flamand qui est leur langue naturelle ? Quelles étoient les langues qui se parloient dans les Gaules en même-tems que le Latin ?

Les habitans dont les Gaules étoient peuplées dans les tems dont je parle, étoient originairement de cinq Nations differentes : les uns tiroient leur origine des Romains qui s’étoient établis dans les Colonies que les Empereurs y avoient fondées ; les autres la tiroient ou des Belges, ou des Celtes, ou des Aquitains, les trois Nations qui partageoient les Gaules lorsque Jules-Cesar y fit ses conquêtes. Enfin les autres tiroient leur origine des differentes peuplades de Germains à qui les Empereurs avoient donné des établissemens en deça du Rhin et sur le territoire des Gaules. Il seroit inutile de parler ici de leurs Habitans Romains d’origine. Venons aux autres.

  1. Voyez l’hist. de Bret. du P. Lobineau. 10. sec. pag. 5.