Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/75

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demeuroient dans les Maisons de leur Maître, soit à la Ville, soit à la campagne ; et là ils travailloient pour le profit de ce Maître, qui de son côté devoit leur fournir la nourriture, et tout ce qui est nécessaire à la subsistance de l’homme : les autres Esclaves des Gaules avoient chacun, quoique serfs, leur domicile particulier, et une habitation à eux, soit dans une Ville, soit sur les terres que leur Maître leur avoit assignées pour les faire valoir. Ces Esclaves étoient obligés de se nourir et de s’entretenir eux-mêmes : mais aussi les fruits de la terre qu’ils cultivoient, & le produit de leur travail leur appartenoient, moyennant qu’ils payassent annuellement à leur Maître la redevance convenuë, & qui consistoit en denrées, en bestiaux, en étoffes, en fourures ou en deniers. Suivant Tacite, le genre d’esclavage que je viens d’expliquer, étoit celui qui avoit lieu dans la Germanie au tems de cet Auteur, et dans cet ouvrage, nous l’appellerons la Servitude Germanique.

On voit par quelques Loix des derniers Empereurs Romains, et par un grand nombre de Loix contenuës dans les Codes publiés par les Rois Barbares établis dans les Gaules, & dont nous rapporterons des extraits dans la suite, que l’esclavage Germanique étoit constamment en usage dans les Gaules dès le cinquiéme siecle. Il y avoit même déja des Tenanciers de condition libre, c’est-à-dire, des Citoïens à qui les Proprietaires des terres en avoient abandonné une certaine portion, à condition de les tenir en valeur, & d’en payer une redevance. C’est de ces Tenanciers de condition libre, qu’il est si souvent parlé dans les anciennes Coutumes, sous le nom de Serfs d’heritage au lieu que les Tenanciers esclaves y sont désignés sous la dénomination de Serfs de corps & d’heritage.

Dès qu’on a quelque connoissance de l’Histoire Romaine, on n’ignore pas, que dans tous les païs de l’obéïssance de l’Empire, le nombre des Esclaves étoit beaucoup plus grand que celui des personnes libres ou des Citoïens. La Religion Chrétienne n’avoit rien fait changer à cet égard dans la constitution de la societé, et nous voyons même que sous les derniers Empereurs les Eglises avoient des Serfs de tout genre, qui leur appartenoient. Nos Rois de la premiere Race et ceux de la seconde Race, ne s’étant point