Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/97

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Quel moyen ce Prince, le plus judicieux des hommes de son tems, crut-il donc devoir employer pour parvenir à l’execution de son projet. Le voici. Il se fit conferer successivement toutes les Magistratures & toutes les Dignités qui rendoient ceux qui en étoient revêtus, les dépositaires du Pouvoir suprême & de toute l’autorité de la République. En qualité d’Imperator, titre qui lui fut conferé par les Citoïens qui composoient les troupes, il devint le General à vie de toutes les forces de l’Etat. Il devint en qualité de Souverain Pontife, le Chef de la Religion[1]. Auguste joignit encore aux droits que lui donnoient ces deux Dignités, ceux que les Consuls avoient lorsqu’ils se trouvoient à la tête des armées, aussi-bien que ceux que les Proconsuls avoient dans les Provinces, et specialement le pouvoir de condamner à mort et de faire executer tous les Citoïens de quelque condition qu’ils fussent, sans garder d’autres formalités que celles qu’il lui plairoit d’observer. Les Chevaliers et les Sénateurs étoient soumis comme les simples Citoïens à cette Jurisdiction arbitraire, que l’Empereur exerçoit non-seulement dans les Provinces, mais aussi dans Rome, dans la Capitale de l’Etat, où, pour s’exprimer ainsi, est le Siége des Loix. On ne voit dans l’Histoire des Empereurs que trop d’exemples de ce Pouvoir exorbitant et odieux. Ce fut en vertu de ce Pouvoir que Tibere, je ne dirai pas, fit mourir, mais fit assassiner le jeune Agrippa. Tacite après avoir rapporté les jugemens que Neron rendit contre Pison et contre les autres conjurés convaincus juridiquement d’avoir été de la conspiration tramée par Pison, ajoute que ce prince voulant se défaire du Consul Vestinus qui lui étoit suspect, mais contre lequel il n’y avoit ni dépositions ni aucunes charges, il envoya de sa pleine autorité un Tribun des Cohortes Prétoriennes chez le Consul, avec ordre de le faire mourir, ce qui fut executé. On ne voit point cependant que les Officiers qui avoient prêté leur ministere à de pareils meurtres, ayent jamais été recherchés. Mais ce point du Droit public de l’Empire Romain est trop odieux, et prouvé d’ailleurs par trop d’exemples, pour en parler davantage.

Auguste se fit encore déclarer Prince du Sénat, & joignit

  1. Diod. li. Hist. 51 & 52i.