Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome II, 1742.djvu/175

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Ostrogots, qu’il n’étoit pas sans esperance que les Romains des provinces tenuës par les Visigots, par les Bourguignons et par les Francs, s’accoûtumassent insensiblement à recourir aux consuls et aux préfets du prétoire, comme aux autres officiers de l’empire, que ce prince instituoit. Mais il ne falloit point pour cela qu’il y eût aucune guerre dans les Gaules, parce que Theodoric ne pouvant plus se dispenser de prendre part à celles qui s’y allumeroient à l’avenir, ceux des barbares dont il se déclareroit ennemi, ne manqueroient pas de défendre à leurs sujets Romains toute sorte de relation avec ses officiers. Les alliances de famille que Theodoric avoit faites en épousant la sœur de Clovis, et en donnant ses filles en mariage, l’une au roi des Visigots, et l’autre au fils aîné du roi des Bourguignons, favorisoient encore le projet de s’acquerir une grande considération dans les Gaules. On peut dire la même chose d’un autre mariage qu’il avoit fait, en donnant Amalberge la fille de sa sœur Amalafréde à Hermanfroy, un des rois des Turingiens de la Germanie. Ces Turingiens après avoir uni avec eux plusieurs autres nations, avoient, comme il a été déja dit, occupé une partie de l’ancienne France. Mais d’autant que nous ignorons le tems précis de la fondation de ce royaume, nous remettrons à en parler, que nous soyons à l’endroit de notre ouvrage, où nous raconterons le succès de la guerre que les enfans de Clovis firent contre nos Turingiens.

La dureté dont Alaric avoit usé contre les amis du roi des Francs, suffisoit pour le brouiller avec le dernier, quand bien même ce dernier n’auroit point eu autant d’ambition qu’il en avoit. On croira donc sans peine que Clovis n’eut pas plûtôt perdu l’esperance de se rendre maître de la partie des Gaules tenuë par les Bourguignons, qu’il forma le projet de faire la guerre aux Visigots, et de s’allier contr’eux avec Gondebaud, comme il le fit au plus tard en cinq cens six. Un souverain peut-il avoir une pareille intention, sans faire de tems en tems contre un voisin, qu’il regarde déja comme son ennemi, des entreprises qui ressemblent à des hostilités, ou du moins sans laisser échapper quelques menaces.

Dès que Theodoric vit que les démêlés qui étoient entre Alaric et Clovis pourroient bien dégenerer en une rupture, il s’entremit pour la prévenir, et nous avons encore les lettres qu’il