Page:Duboscq - Présence de l'Asie.djvu/52

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à leur destination comme les formes de la nature elle-même en donnent l’exemple. Les pincettes que la ménagère emploie chaque jour, les sandales et les sabots que porte le Japonais, ces choses de tous les jours seront façonnées comme façonne la nature, comme le pin pousse ses racines dans les rochers, comme l’oiseau accroche ses pattes au rameau. La lutte livrée par l’artisan japonais est la lutte pour l’essence des choses. Il ne faut donc pas s’étonner si le Japonais considère son travail comme une tâche sacrée… D’après la loi du Shinto, l’esprit et le corps devraient être purs avant que l’homme se mit à une tâche importante. L’armurier qui forgeait « l’âme du samouraï », l’épée prenait d’abord un bain, puis revêtait ses plus beaux vêtements de soie, ceux qui servaient aux cérémonies… »[1]

L’artisan ne va plus aussi loin aujourd’hui, pourtant il nous est arrivé, il n’y a eu que quelques années, de commander à un artisan réputé de Kyoto certains petits objets de bronze qui demandèrent avant tout commencement d’exécution une préparation autant morale que matérielle.

Certes, la fabrication en série n’est pas ignorée des Japonais. L’Europe et l’Amérique entichées d’exotisme leur ont fait des commandes énormes d’objets de toute sorte que la machine s’est chargée d’exécuter, néanmoins l’artisanat avec ses

  1. Yamato, p. 210.