Page:Duboscq - Unité de l'Asie.djvu/24

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Orient tout entier. Dans tout l’Extrême-Orient, de nos jours encore, aucun peuple, qu’il paraisse déchu ou qu’il s’enorgueillisse d’une puissance neuve, n’oserait renier la civilisation chinoise… Ce que les Extrême-Orientaux tiennent à conserver après l’avoir emprunté à la civilisation chinoise, c’est une certaine entente de la vie : c’est une Sagesse ».

On comprend, après ce que l’on vient de lire, le sens qu’attachait Okakura Kakuzo à ces deux affirmations : « L’Asie est une » et « l’Asie n’est rien, sinon spirituelle ». Spirituelle n’implique ici ni le besoin d’un monde d’essence transcendante, ni celui d’un culte d’êtres vraiment divins, mais le besoin mystique d’unité de l’univers qui se traduit chez tous les Asiatiques, qu’ils soient Chinois, Japonais, Indiens ou Russes eurasiens, par le mouvement spontané qui relie l’esprit au monde extérieur au lieu de l’y opposer et de le tenir, comme nous le faisons, dans un domaine à part[1]. « Ils (les Japonais) vivent enveloppés d’une atmosphère religieuse aussi légère et aussi douce que l’air de leur pays et on ne se demande point s’ils sont religieux[2]. »

L’écrivain japonais s’est chargé lui-même dans un passage réputé de son livre de nous faire pour ainsi

  1. On lit dans Essai sur la Mythologie japonaise, par Nobuhiro Matsumoto, p. 76 (Geuthner édi., Paris) : « La grande déesse Amaterasu possède incontestablement le caractère de prêtresse. Les notions de Dieu et de prêtre sont confondues dans le shintoïsme. Les prêtres ou les prêtresses lorsqu’ils se déguisaient en dieux pendant une fête, étaient véritablement des dieux… Ainsi le dieu est un être qu’on a déguisé pour la célébration des rites. »
  2. La société japonaise, par André Bellessort, p. 193 (Perrin).