PRÉFACE.
Peut être le public s’est il formé d’avance une idée beaucoup trop favorable de l’ouvrage qu’on lui soumet dans ce moment ; s’il s’attend à lire un Journal palpitant d’intérêt, semé d’incidents extraordinaires narrés avec toutes les grâces du style, avec toute la facilité que peut donner une éducation soignée, l’auteur doit commencer par lui demander excuse s’il est trompé dans ses espérances. Les événements il est vrai y sont exposés avec la plus stricte exactitude, les plus petits incidents y sont fidèlement rapportés ; mais celui qui a fait un voyage de long cours sur mer peut seul comprendre l’accablante uniformité de la vie qu’on y mène ; — d’un autre côté, l’auteur n’ayant pas eu comme tant d’autres le bonheur de recevoir une éducation classique, sollicite l’indulgence pour le style de cette production. Il sent tout ce qui lui manquait sous ce rapport pour rendre son journal doublement intéressant. Cependant il a cru que le public lui saurait gré d’un récit quelconque des souffrances qu’ont éprouvées leurs malheureux compatriotes exilés — et c’est dans cette conviction qu’il a osé publier le fruit de ses remarques journalières, persuadé qu’on lui passerait beaucoup en faveur de la bonne volonté.
L’auteur saisit en même temps l’occasion de renouveler ses remerciements à Son Excellence et à toutes les personnes qui se sont intéressées à son sort ainsi qu’à celui de tous ses frères de malheur ; il ne croit pas trop prendre sur lui en disant qu’ils sont tous dans les mêmes sentiments, et qu’ils ont appris avec douleur qu’on ait pu les soupçonner d’ingratitude. Ce soupçon devra nécessairement s’évanouir en voyant dans le cours de cet ouvrage qu’en mettant le pied sur le continent américain leur première pensée fut pour leurs bienfaiteurs, et que c’est par une circonstance inexplicable pour eux que ce témoignage de leur reconnaissance ne fut pas publié.