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D’UN EXILÉ

bœufs attelés sur des charrettes, une partie de nous était enfin employée à réparer les routes publiques. Chaque division d’homme était conduit par un soldat. Cette Surintendance-Militaire dura environ un mois, espace de temps où nous travaillâmes très fort, étant mal nourris, mal couchés, sous clef tous les soirs et privés de toute communication avec qui que ce fut.

Au bout d’un mois à peu près, il survint un changement dans notre établissement. Le gouverneur retira les soldats qui nous surveillaient, et les remplaça par un individu seul chargé de notre conduite. Ce particulier choisit entre nous ceux qu’ils croyaient les plus propres à remplir la charge de conducteurs parmi nos compatriotes, et assigna à chacun son ouvrage respectif ; ainsi nous fûmes conduits par nous mêmes, mais il nous était encore difficile de nous procurer du bon temps ; car tous les jours il venait des inspecteurs visiter notre ouvrage, et ils savaient bien en faire la remarque s’ils croyaient que nous n’avions pas beaucoup travaillé, ils auraient pu faire quelques rapports contre nous dont nous aurions souffert par la suite : tellement qu’il fallut être assidu à notre ouvrage durant tout le temps que nous avons été tenus aux travaux forcés.

J’eus l’avantage d’être un des conducteurs et j’ai été heureux de pouvoir procurer, autant que les circonstances pouvaient le permettre, quelqu’adoucissements aux fatigues des personnes dont la conduite m’était confiée ; et tous ceux qui partageaient mes fonctions en firent autant.