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JOURNAL

notre salaire afin d’aller demeurer ailleurs. Ils nous donnèrent volontiers notre décharge ; mais pour nos gages, ils nous dirent de revenir plus tard et qu’ils nous les paieraient. Qui auraient pu croire que nous devions être les dupes de ces grands ? Nous retournâmes donc au bout d’un certain temps auprès de nos bourgeois respectifs afin de solliciter l’accomplissement de leurs promesses. Ils nous dirent encore de revenir plus tard. Enfin ils finirent par nous faire des menaces, et nous dirent de ne point revenir les importuner à l’avenir ; car ils trouveraient le moyen de nous enlever ce degré de liberté que nous avions et nous ferait retourner aux travaux du gouvernement !! Quelqu’un d’entre nous portèrent leurs plaintes jusqu’au gouverneur de conduite de ses officiers à notre égard. Pour toute réponse, on leur dit qu’ils pouvaient recourir à la loi. Mais comment dans notre pauvreté pouvions nous lutter en justice avec des hommes riches et influents, des hommes qui par la suite auraient cherché toutes les occasions possibles de nous nuire. Quand nous eûmes reçu la nouvelle de notre pardon nous fimes une dernière tentative auprès de ces spoliateurs. Ils ne purent pas nous dire cette fois qu’ils nous feraient punir, car nous étions libres comme eux ; mais ils nous dirent qu’il leur était impossible de nous payer en ce moment n’ayant pas d’argent. En vain nous leur représentâmes qu’un grand nombre d’entre nous ne pouvaient sans argent revoir leur pays, leur famille ; qu’ils étaient par là privés de ce qui leur était le plus cher au monde ; le bonheur