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AUX GLACES POLAIRES

Mais voilà, écrit en belle humeur, le Père Taché, voilà que l’air extérieur, mécontent de ce que nous lui refusons l’hospitalité, entreprend de se venger d’une manière bien cruelle : il se niche dans la cheminée et nous renvoie au nez toute la fumée. Après quinze jours, nous étions à la veille d’être métamorphosés en jambons, ce qui nous décida à construire une autre cheminée. .. Nous étions chez nous, pauvres et dénués de tout, mais heureux de notre sort… Le bonheur et la satisfaction qui, souvent, n’habitent point les palais des grands, régnent dans notre cabane.


Mais il lui faut ajouter aussitôt :


Comme compensation de ces jouissances, la santé de M. Lallèçhe se trouva très compromise. Un travail excessif avait développé un mal opiniâtre. Le rhumatisme dont il souffrait déjà se changea en bosses, puis en plaies aussi incommodes que pénibles.


De son côté, M. Laflèclie attribuait gaiement son mal « à la paresse qui l’avait retenu sédentaire, tout l’été, à l’Île à la Crosse. »


Pour me punir, le bon Dieu m’envoya un rhumatisme qui me tourmenta longtemps, et pour m’empêcher d’oublier la leçon, il a eu soin, en le retirant, de me laisser boiteux. Il boita toujours, et ce fut sa consolation de conserver, jusqu’au seuil de son éternité, ce stigmate de son apostolat dans les missions sauvages.


À mesure que M. Laflèche s’affaiblissait, le Père Taché se fortifiait. C’était déjà le « voyageur infatigable qu’il n’était pas commode de dépasser sur la route », et pour qui « les raquettes, comme les canots, semblaient n’avoir que des charmes. »

« Un jour les rôles changeront ; Mgr Taché, le grand voyageur, sera condamné à l’immobilité dans son palais, pendant que Mgr Laflèche, l’ancien infirme, parcourra les continents et traversera les mers sans fatigue. »

L’hiver 1847-1848 n’améliora pas l’état du malade. Les plaies s’agrandissaient. Mais le Père Taché versait sur les souffrances de son frère bien-aimé tous les soins de sa tendresse. Plus tard, lorsque l’évêque des Trois-Rivières, rendu à la santé du corps, saignera par les innombrables entailles de son âme, sous les coups d’une infortune qu’il comparera