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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/180

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BERCEAU D’ÉVÊQUES

qu’un — qui ? ami ou ennemi, inintelligent ou malveillant ? il n’importe de le savoir ; — mais que quelqu’un complotait, dans l’ombre.

Le Souverain Pontife, avisé avant le Supérieur Général des Oblats, accédait immédiatement à la supplique ; et, le 24 juin 1850, il émettait les bulles instituant Alexandre-Antonin Taché évêque d’Arath, in partibus infidelium, et coadjuteur de Mgr Provencher, avec future succession.

Un évêque de vingt-six ans et onze mois…

Mgr de Mazenod apprit la nouvelle, au moment où, d’accord avec son conseil, il venait de décider le rappel de tous ses fils, des missions du Nord-Ouest, que le quelqu’un avait représentées comme un tombeau sans retour pour sa congrégation. Aussitôt, il suspendit l’envoi du décret, et manda le Père Taché, afin de l’entendre et de le consacrer lui-même.

Mgr Taché écrivit plus tard, dans son livre « Vingt Années de Missions dans le Nord-Ouest de l’Amérique (1845-1865) », livre qu’il ne serait pas indigne d’appeler Suite des Actes des Apôtres, une page que l’Église enchâssera parmi les joyaux de sa primitive histoire :

« … Je ne parlerai pas des émotions de mon âme, lorsque je me présentai devant notre Supérieur Général ; mais laissez-moi rapporter à la Congrégation un des entretiens dont il m’honora :

— Tu seras évêque.[1]

— Mais, Monseigneur, mon âge, mes défauts, telle et telle raison…

— Le Souverain Pontife t’a nommé, et quand le Pape parle, c’est Dieu qui parle.

— Monseigneur, je veux rester Oblat.

— Certes, c’est bien ainsi que je l’entends.

— Mais la dignité épiscopale semble incompatible avec la vie religieuse !

— Comment ! la plénitude du sacerdoce exclurait la perfection à laquelle doit tendre un religieux !

  1. Mgr de Mazenod, qui était de l’ancienne noblesse française, en avait gardé le tutoiement d’amitié.