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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/200

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BERCEAU D’ÉVÊQUES

lac la Biche. À bout de forces, les voyageurs s’étendirent sur l’herbe du rivage. Pendant trois jours, ils ne trouvèrent à manger que des boutons de roses d’églantiers. Le canot sauveteur les eût même passés, et laissés ainsi en proie à une mort certaine, si les rameurs n’avaient aperçu une légère fumée s’élevant d’un petit feu, où le sauvageon faisait bouillir ses souliers pour les manger.


Neuf ans plus tard le lac la Biche, devenu inutile aux transports, fut abandonné par le vicariat d’Athabaska-Mackenzie.

Cette année même, 1889, Mgr Taché convoquait ses suffragants au premier concile de Saint-Boniface.

Mgr Faraud était tout heureux d’aller revivre quelques semaines, dans l’intimité de son ami de jeunesse, devenu son métropolitain vénéré.

À repasser la correspondance que les deux prélats échangèrent au cours de leur vie d’apôtres, l’on croirait parfois entendre saint Augustin et Alypius. De la part de Mgr Faraud surtout, les lettres avaient été nombreuses, longues, et d’un cordial abandon. Pour lui, tout ce que faisait Mgr Taché était bien fait, et devait être admis sans examen. Il regardait l’évêque de Saint-Boniface comme l’Aaron dont découlait toute vie, à travers les missions du Nord-Ouest ; et, depuis les heures tant heureuses de 1848-1849, son affection pour lui n’avait fait que grandir, avec son admiration. Ainsi, pour nous borner à peu de lignes, ces réflexions écrites, en 1869, au cours d’un voyage dont le but était de visiter Mgr Grandin, à l’Île à la Crosse :

Monseigneur et bien tendre ami. — J’ai quitté, hier soir, la mission Saint-Jean-Baptiste, berceau chéri de notre enfance apostolique, où j’eus le bonheur de vous voir pour la première fois, vous qui deviez être la tige de tout l’épiscopat du Nord. C’est là, vous le savez, qu’après avoir sondé toutes les richesses que Dieu avait mises dans votre cœur sensible, tendre, généreux, affectueux, je vous livrai le mien, alors ardent, bouillant pour le salut des pauvres aines confiées à notre jeunesse. Dès ce moment, je ne fus plus simplement votre frère, mais votre ami, dans toute la force du terme, puisque Dieu était le centre de cette amitié, dont le salut des âmes était le rayonnement. Abstraction faite de la différence de nos caractères, nous devînmes cor unum et anima una. Vous étiez David, et j’étais Jonathas. J’avais tout à gagner