Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

regardé par la jeunesse comme un stage indispensable de sa formation et une profession d’honneur, à laquelle il était lâche de se dérober. À peine pouvaient-ils échapper à la tutelle de leurs parents et tromper la surveillance des soldats de la colonie, que les jouvenceaux remontaient à la sourdine le Saint-Laurent, traversaient les Grands Lacs, et, des bords du Lac Supérieur, se lançaient enfin sur cet Ouest de leurs rêves, cet Ouest fascinant, si fascinant qu’il l’est encore aujourd’hui, tout remodelé qu’il soit par la main de l’homme. Ils allaient de lacs en rivières, de bois en savanes, jusqu’à la prairie immense, dont l’immensité même invitait toujours davantage à la marche et à la course. Les plus hardis dépassèrent les montagnes Rocheuses. Quelques-uns revinrent se fixer dans la colonie, ou en France, contents d’avoir fait leurs preuves. Beaucoup ne regagnaient les Pays d’en Bas (Ontario, Québec) que le temps d’y vendre leurs fourrures, et, parfois, d’en dissiper le profit en « folles joies » ; puis ils se replongeaient, pour quinze autres mois, dans la liberté. Plusieurs ne reparurent jamais, soit qu’ils eussent trouvé la mort dans les eaux, sous la dent des fauves, ou dans les combats sauvages ; soit plutôt qu’ils eussent pénétré dans la vie même des tribus de leur choix, par des alliances matrimoniales.

La noblesse française elle-même se rendit à l’appel magique des Pays d’en Haut, et se fit une gloire de se donner le noviciat de l’époque. Il y eut des gens d’hermine et d’épée qui laissèrent, jusque dans les neiges les plus lointaines, des rejetons de leur lignée, que l’on nomme encore des de Mandeville, de Saint-Georges, de la Porte, de Charlois, de l’Espinay, et combien d’autres, revenus à leur sang et à leurs noms sauvages, mais dont les yeux portent toujours des reflets de l’antique Noblesse !


Deux de ces coureurs-des-bois furent les initiateurs de la si célèbre Compagnie de la Baie d’Hudson, qu’aucune histoire, religieuse ou profane, du Nord-Ouest ne peut ignorer, tellement cette Compagnie s’est faite l’âme matérielle des premiers siècles de ces pays. Ces deux pionniers furent Pierre-Esprit Radisson, et son beau-frère, Médart Chouart