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LES ÂMES

L’Indien, l’Indienne se confièrent à ces tarés de notre race, et furent bientôt la proie de toutes les contagions honteuses, que propagèrent la malpropreté et la promiscuité.

La petite vérole, la scarlatine fauchèrent ensuite les pauvres débilités, si ignorants de toute hygiène qu’ils se jetaient à l’eau, ou se roulaient dans la neige, pour tempérer leur fièvre.

D’ailleurs, les Peaux-Rouges se virent trop brusquement saisis par la civilisation des races blanches, civilisation élaborée, petit à petit, par tant de siècles. Le sauvage de la prairie et de la forêt pouvait-il ne pas être submergé par cette marée qui se ruait sur lui ? Pouvait-il éluder la loi de tout organisme astreint à se transformer : s’adapter ou disparaître ? De s’adapter on ne lui donna pas le temps. Il n’eut qu’à disparaître[1].

À ceux qui survécurent jusqu’à ce dernier demi-siècle, restait du moins la liberté. Mais la race blanche, devenue gardienne de la rouge, lui mesura cette dernière source de sa vitalité.

Les États-Unis transportèrent tous les tronçons de tribus compris dans la confédération, dans une section de l’Oklahoma, qu’on appela le Territoire Indien.

Le gouvernement canadien agit plus humainement. Il laissa aux sauvages, vivant dans le voisinage des contrées colonisées par les Blancs, des terrains de leur choix, sous le nom de réserves. Ces réserves que nous regarderions, nous, européens, comme de vastes fiefs, semblent des prisons à ces antiques souverains de la liberté. Ils peuvent y vivre,

  1. Ainsi, pour apporter un exemple, l’estomac indien, accoutumé à son alimentation très simple et toute naturelle, ne put résister à nos préparations culinaires épicées, factices, indigestes. Que dire alors de l’eau-de-vie ? En présence de l’eau-de-feu, comme il l’appelle lui-même avec la justesse qu’il met toujours à caractériser son objet, le sauvage ne résiste à aucune intempérance, à aucune sollicitation de cruauté ou d’immoralité. Pour acheter l’eau-de-feu, que lui apportaient à volonté les Compagnies de la Baie d’Hudson et du Nord-Ouest, au temps de leur rivalité surtout, il dépeupla ses terrains de chasse, tuant à outrance les bisons, les orignaux, les rennes, les chevreuils, dont les commerçants prenaient la chair pour se nourrir, et les animaux à fourrures qu’ils demandaient pour s’enrichir. La passion de l’eau-de-feu, plus que toute autre, dirons-nous, a miné la race peau-rouge et réduit ses victimes et leurs enfants à une misère sans remède. Le gouvernement canadien, lorsqu’il prit possession des Pays d’en Haut, défendit l’importation de l’alcool parmi les Indiens. Mais trop tard. Le mal était irréparable.