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LES ESCLAVES

comme élève dans la langue esclave, et comme assistant. Tous deux s’encouragèrent à l’œuvre de longanimité[1].

Le Père Andurand, secondé du Père Moisan, finit de reprendre toute la tribu.


Le grand événement de grâce pour la mission du Sacré-Cœur a été la fondation de l’hospice des Sœurs Grises, en 1910. Tous les infirmes et vieillards du bas-Mackenzie, c’est-à-dire depuis le fort Simpson jusqu’à l’océan polaire, y sont conviés. Déjà l’hôpital, élevé par les Pères Andurand et Moisan, et qui n’a point son pareil en hauteur et en beauté dans les édifices du Nord, se voit débordé.

Or, c’est là le coup d’audace le plus saintement téméraire qui ait été osé, sans doute, par un vicaire apostolique. Un mot et un fait l’indiqueront.

Le poisson ne séjourne pas dans le fleuve Mackenzie, sauf au pied des rapides qui l’arrêtent, et dans certaines expansions où le fleuve se ralentit et devient lin lac : ce qui place la pêcherie voisine du fort Simpson à la Grande-Île, bord du Grand Lac des Esclaves, soit à 320 kilomètres.

Dès le deuxième automne de la fondation de l’hospice, le 20 octobre 1917, le bateau de pèche, qui revenait chargé de 9,500 poissons, se bloqua dans la glace, à 160 kilomètres du fort Simpson. Il eut pu se bloquer — et il s’y bloquera

  1. Le Père Brochu ne borna pas son zèle au fort Simpson. Il alla du fort Nelson au fort Wrigley. En 1895, il écrit d’un séjour au fort des Liards :

    — Le Père Gourdon me fit l’accueil le plus fraternel, en m’ouvrant ses grands bras d’Hercule pour me presser sur son cœur d’Oblat. Je puis dire que j’ai passé un bien bon hiver avec un tel frère ! Mon temps a été tout consacré à la visite des sauvages à domicile. C’était bien le meilleur moyen d’instruire ces pauvres gens et de leur faire un peu de bien… Je fus amplement dédommagé de mes fatigues par le succès. Des adultes encore infidèles ont été baptisés. Des sauvages qui se tenaient loin de la mission se sont rapprochés, en venant faire leurs dévotions le jour de Noël. Nous en comptions 30 à la messe de minuit et 40 au jour de l’an. D’autres enfin, qu’on avait dû excommunier par suite de leur inconduite, eurent le courage de s’arracher, les uns un œil, et d’autres une main, pour se ranger enfin sous l’étendard du Christ. »

    Du désert du fort Simpson, le Père Brochu passa à celui, plus ingrat encore, de la Rivière-au-Foin, pour lutter contre le même ennemi. Mais deux années de ces nouvelles misères attaquèrent tellement sa santé qu’il fut forcé de retourner à la province de Québec, sa patrie. Le souvenir de son dévouement et de son aimable commerce reste en bénédiction dans la tribu des Esclaves, comme dans le cœur des missionnaires du Mackenzie.