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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/363

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AUX GLACES POLAIRES

maison où je logeais, après m’avoir touché la main, ils n’avaient rien de plus pressé que de me dire :

Je veux me confesser.

Ils savaient par ouï-dire qu’on se confessait au prêtre. Ai-je besoin de dire qu’ils ne connaissaient pas les formules ? Aussi s’adressaient-ils sans respect humain à la vieille femme (Houle) de l’interprète du fort, chez qui je demeurais :

Dis donc au père que j’ai fait telle et telle chose.

Plusieurs, désireux de se décharger la conscience au plus vite, faisaient entendre ces étranges paroles : « Dis donc au père que j’ai mangé tant de personnes ». Et cela en public… Les accusations de ces sauvages font assez connaître l’état affreux d’où nous sommes appelés à les tirer…


Quant aux Esclaves, que Mgr Grouard qualifiait encore, en 1890, de « peuple revêche, difficile à convertir et prompt à retourner à ses mauvaises habitudes », ils sont aujourd’hui environ 300, tous catholiques[1].


Les missionnaires ambulants de Saint-Raphaël (nom de la mission du fort des Liards, imposé par Mgr Grandin) furent les Pères Gascon (3 ans) et Grouard (9 ans).

En 1871, la résidence fut inaugurée par le Père de Krangué[2] . Il y demeura, seul ou avec un assistant, 22 années. Les voyages continuels du Père de Ivrangué à ses dessertes, depuis le fort Nelson jusqu’aux forts Simpson et Wrigley, les privations, particulièrement pénibles à son tempérament, le réduisirent à un état de souffrances qu’il répugnerait de décrire…

Au printemps 1893, revenant du fort Good-Hope, et en route lui-même pour l’est du Canada, où il portait sa santé ruinée, Mgr Clut le trouva, presque dans les affres de la mort, au fort Simpson. Il le prit avec lui. Le chemin de croix de ces deux invalides de l’apostolat devait finir à l’Hôtel-Dieu de Montréal. Mgr Clut y arriva

  1. Le protestantisme ne déserta la partie, au fort des Liards, qu’après de longues tentatives. Le dernier ministre fut M. Marsh. Il disparut en 1892. Le Père Gourdon, le voyant inoccupé, et sachant qu’il avait des daviers, s’en fut, un jour, lui demander de lui extraire une vilaine molaire. Le révérend arracha la dent avec succès. « C’est tout ce qu’il arracha au catholicisme », observe le Père Gourdon, sans préjudice de sa reconnaissance pour le service rendu. Comme le révérend désirait garder la dent, en souvenir du fort des Liards, et en fiche de consolation, le missionnaire la lui donna.
  2. Nouëi de Krangué, de la Noblesse bretonne.