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AUX GLACES POLAIRES

celui-là, pour le faire pendre : il lui suffit d’un dessin pour métamorphoser le Père Lacombe en suppôt de Belzébuth ;


Voyez cette image, disait le sorcier à ses ouailles, en montrant le catéchisme symbolique du célèbre missionnaire des-Cris et des Pieds-Noirs, voyez ces hommes — il mettait le doigt sur Luther, Calvin et autres ejusdem farinae — : ils sont habillés de couleurs variées, ils sont beaux : donc ils iront dans la terre d’en-haut (le ciel), où tout est beau. Voyez maintenant ces hommes tout noirs — désignant le prêtre, la robe-noire — : Ne ressemblent-ils pas, avec leur triste couleur, à nos corbeaux malfaisants ? Ils s’en vont au feu d’en-bas, je vous le dis ; et avec eux rôtiront tous les Esclaves et tous les Sékanais qui les suivront. Allons donc, mes amis, au priant Anglais, qui est habillé à la manière des beaux bourgeois de l’image, et n’écoutons plus le priant Français, qui est tout noir.


Le harangueur souleva, en quelques dithyrambes de cette sorte, tous les Indiens, qui demandèrent un ministre protestant.

Le commis, M. Brass, trouvant belle l’occasion de faire instruire en anglais ses propres enfants, accepta d’être le porte-parole des sauvages, et fit parvenir la requête aux quartiers anglicans.

Le Père de Krangué apprit ces nouvelles, au fort des Liards, l’été 1878 :


Ne sachant à quel saint me vouer, dit-il à Monseigneur Taché, j’eus un matin une bonne distraction, en faisant ma prière : l’idée de faire courir la nouvelle qu’en automne je monterais au fort Nelson, et que j’y ferais l’école, en anglais et en français, à tous ceux qui se présenteraient chez moi. Cependant, pouvant à peine bégayer quelques mots d’anglais, j’étais assez embarrassé de mon ignorance. Mais le bon Dieu qui m’avait envoyé la distraction l’a menée à bonne fin. Le, Père Lecomte, devenu mon socius, connaissant les principes de la langue anglaise, a bien voulu prendre ma place et accepter de faire l’école annoncée. M. Brass a été très heureux de ma proposition, il a laissé ministre et maître d’école dans leur cure, et m’a promis, en me serrant fortement la main, que mon confrère passerait un bon hiver dans son fort. Grâces en soient rendues à Dieu, le loup hurle encore hors de la bergerie.

J’ai confiance dans le patronage de saint Paul et dans le zèle actif du Père Lecomte. J’espère que le visionnaire deviendra aveugle et que les aveugles commenceront à voir.


Si l’on cherchait dans la galerie des jeunes saints, hono-