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Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/429

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AUX GLACES POLAIRES

En même temps, elle lui assène trois coups de gourdin sur la tête. Le chef crie grâce, et promet d’être sage.

À la fin, devenue aveugle de vieillesse et presque paralysée, il y avait une dizaine d’années qu’elle ne vivait plus que de charités lorsqu’une disette générale dispersa les Loucheux dans les bois. Il ne resta avec Cécile que Marguerite, sa sœur, aveugle elle-même, mais qui, pouvant encore marcher, allait à tâtons ramasser dés branches pour le foyer. Puis Marguerite mourut, et Cécile se trouva seule. Le Père Giroux lui portait souvent la sainte communion, et il lui envoyait tous les secours en son pouvoir. Un matin de septembre 1892, on la trouva morte dans sa loge. Son corps était roidi, dans des haillons qu’un Benoît Labre n’aurait pu porter. L’une des mains étreignait encore le chapelet que la pieuse centenaire avait usé, à force de l’égrener, jour et nuit, depuis toujours. La bonté envers tous, l’amour de Dieu résigné dans la souffrance avaient été les grandes vertus de Cécile, et l’empreinte en demeurait glacée sur ses traits, dans un demi-sourire. À côté de la défunte, remuait, grise de vermine, une chemise de flanelle, dont elle s’était débarrassée, n’en pouvant plus d’être dévorée. Cette chemisé était celle de Mgr Clut. L’évêque missionnaire, à son dernier passage, s’en était dépouillé lui-même pour la donner à Cécile, qu’il avait vue dénuée de tout.

« Ainsi mourut, dit le Père Giroux, cette chrétienne qui avait tant fait et tant souffert pour la foi, belle âme pure sur laquelle on ne pouvait trouver l’ombre d’une faute ».


Ravagés par les famines, les grippes, le typhus, les maux infects de Blancs immondes, les Loucheux du Mackenzie se comptent aujourd’hui à moins de 150. Mais ils finissent dans la ferveur de la foi.