Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/75

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sans glisser dans quelqu’une des mares profondes qu’ils emprisonnent.


L’épreuve des épreuves dans ce voyage d’hiver sur les grands lacs n’est cependant pas la crevasse, ni le bordillon : c’est la poudrerie.

La poudrerie ! Jamais mot moins reconnu dans ce sens par le dictionnaire français n’eut signification plus expressive, plus descriptive, que celui-là. Il a été trouvé du premier coup par les coureurs-des-bois, et il s’est incrusté aussitôt dans la langue du Nord.

La poudrerie, c’est le simoun du sahara de neige. Plus elle s’avance vers le pôle, moins elle est fréquente ; mais plus elle est violente et tenace.


Le P. Bousso escaladant un dos d’âne

Elle se lève tout à coup, souffle en bourrasques ininterrompues, ressaisit toute la neige tombée sur le sol et la relance en furie de cyclone dans l’espace. Aucun abri, excepté la profondeur des bois et l’iglou de l’Esquimau, ne peut défier ce poudroiement. Le voyageur, surpris sur le lac, se voit enveloppé d’une nuit blanche : tout rivage, tout point de repère s’évanouit devant lui. L’illusion qu’il tourne sur lui-même achève sa désorientation. Et il tourne, en effet, croyant suivre la ligne droite, parce qu’il va contre le tourbillon rageur. S’il n’avait pour compagnon un Indien, ou quelque guide éprouvé, il lui resterait peu d’espoir d’échapper à la mort, car la poudrerie ne se déchaîne d’ordinaire que pour des journées entières.

Que l’on juge d’une poudrerie véritable, par cette des-