Page:Duchaussois - Aux glaces polaires, Indiens et Esquimaux, 1921.djvu/94

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santes, il descend une avenue très large et très droite de 70 lieues.

Sur tout le parcours de l’Athabaska-Mackenzie, jusqu’à cette extrémité de la région arctique où rien n’échappe plus à la mort, les forêts vierges succèdent aux forêts vierges. Le silence de ces forêts n’est brisé que par le fracas des torrents roulant, de loin en loin, dans les gorges sauvages ; et l’on ne voit sur les plages que les orignaux et les ours qui viennent s’abreuver au fleuve.

Au dégel des hautes neiges, les rivières la Paix et des Liards se chargent, au point d’en être pontées, d’une flotte d’arbres de toutes formes, avec leurs racines et leurs ramures, arrachés aux flancs des montagnes Rocheuses. La rivière des Esclaves recueille ce providentiel tribut de la rivière la Paix, et le Mackenzie celui de la rivière des Liards, pour les distribuer à toutes les grèves de leur domaine, jusqu’à l’océan Glacial. Ce bois de grève sera le combustible abondant du prochain hiver pour les déshérités de l’Extrême-Nord. En même temps, les eaux du Mackenzie devenues limoneuses, comme les fleuves de la Haute-Asie, forment des îles nouvelles, grugent les anciennes, rongent les rivages, comblent les chenaux, allongent les abords des lacs et transforment les paysages de leur défilé. La rapidité de cette drague à accomplir ses ouvrages provient de la vitesse que partagent tous les cours d’eau, envoyés aux océans par les montagnes Rocheuses.

Tel est le fleuve Athabaska-Mackenzie, appelé par les sauvages, ses riverains : le Naotcha, la rivière géante, ou la rivière aux bords géants.


Hélas ! ce fleuve géant, que le voyageur trouve plus beau, chaque nouvelle fois qu’il en descend les flots, a englouti dans ses profondeurs quatre de nos missionnaires. Cinq autres furent noyés dans ses affluents.

Les deux dernières victimes, les Pères Brémond et Brohan, chavirèrent ensemble, aux rapides du fort Smith, dans la rivière des Esclaves.

Ces morts, si cruelles pour nos missions, ne sont cependant qu’un faible tribut payé aux traîtrises des rivières et des fleuves. Presque tous les missionnaires eussent sombré