meilleur, il l’était sans doute pour l’époque où le conçut son auteur et l’on en pouvait dire ce que d’Alembert disait excellemment des tourbillons cartésiens, à savoir qu’on ne pouvait « imaginer alors rien de mieux ; car il a fallu passer par les tourbillons pour arriver au vrai système du monde ». Qui pourrait nier, en effet, que le Discours de d’Alembert ne conduise directement, et malgré les distinctions à faire, à la classification des sciences tentée par Auguste Comte ; et, par exemple, quand on lit dans Littré que « la philosophie de la science comprend la subordination des sciences entre elles, la loi de leur développement successif dans l’histoire », ne croirait-on pas lire un fragment du Discours préliminaire ? Précisément dans ce développement de la philosophie scientifique le Discours tient lui-même une grande place : il est une synthèse puissante et, par bien des points, originale, de tout le savoir humain. C’est d’un regard tranquille que d’Alembert embrasse l’immense territoire conquis lentement par l’intelligence humaine ; et, comme pour reposer le lecteur de ce rapide voyage à travers des contrées si vastes et si diverses, il sème en maint endroit des détails curieux et des vues ingénieuses. Puis, de loin en loin, et comme pour nous montrer à quel point il reste maître de son immense sujet, il nous rappelle en termes magnifiques que, d’une part, « l’univers, pour qui saurait l’embrasser d’un seul point de vue, ne serait qu’un fait unique et une grande vérité » et que, d’autre part, toutes les sciences différentes qui expliquent l’univers chacune à sa manière, ne sont que des « branches qui partent du même tronc : l’esprit humain ».
Ainsi, la nature entière unifiée par la raison humaine, voilà le but suprême que se sont proposé à travers les siècles, et qu’ils l’aient su ou non, les savants et les penseurs de tous les pays. À quelle distance on est encore de ce but, au milieu du dix-huitième siècle, c’est ce que nous fait entrevoir, en de larges aperçus, le Discours préliminaire et c’est ce dont va nous instruire, par des monographies minutieuses, le corps même du Dictionnaire. C’est là