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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/149

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mieux à l’audace croissante de ses auteurs : Vires acquirit eundo.

Il est pourtant certains sujets, moins dangereux il est vrai, mais de grande importance, qui, dès le début comme dans tout le cours de l’ouvrage, ont excité le zèle et la verve des Encyclopédistes. Dès le premier volume (1751), l’agriculture trouve en eux de chaleureux défenseurs ; on s’inquiète de ses progrès et on propose des systèmes étrangers « aux propriétaires qui sont assez riches pour tenter des expériences coûteuses ». Dans les volumes suivants la sollicitude des Encyclopédistes pour « les hommes des champs » redouble ; on demande que « les yeux du gouvernement soient toujours ouverts sur cette classe d’hommes intéressants », et plus tard on ajoute (nous sommes en 1765) que « l’entière liberté d’exportation des denrées est la condition nécessaire de la prospérité de la culture » (art. Laboureurs). Enfin, l’agriculture étant devenue « la maladie à la mode »[1], on montre à quel point on est malade en écrivant cette phrase alarmante : « Je mets les plantations au rang des vertus. »

On connaît la plainte du savetier de La Fontaine ;


Le mal est que, dans l’an, s’entremêlent des jours
Qu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtes.


Sous Louis XIV, l’archevêque de Paris avait bien accordé la suppression de dix-sept fêtes, mais il en restait encore trente-huit, ce qui, ajouté aux dimanches, faisait pour l’ouvrier quatre-vingt-dix jours d’inaction. Et sait-on qui gagnait le plus à tous ces jours de chômage ? C’était la Ferme générale, car, ces jours-là, on allait moins à l’église qu’au cabaret, et Mercier se plaint qu’on « ne voyait partout qu’ivrognes consommant le gain de la semaine[2] ». En attendant que Voltaire demande dans sa spirituelle Requête à tous les magistrats du royaume (1770) que, « de

  1. Grimm, V, 90.
  2. Tabl. de Paris, VII, 103.