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les lois ; dans ce cas, les lois et les peines qu’elles imposent n’en seraient pas moins utiles au bien de la société comme un moyen efficace de conduire les hommes par la crainte et de donner, pour ainsi dire, l’impulsion à la machine[1]. » Ainsi les peines et la terreur qu’elles inspirent sont des mobiles destinés à contrebalancer les mauvaises passions ou les mauvaises pensées, c’est-à-dire, d’autres mobiles qui ont poussé au crime : « Les lois pénales sont des motifs que l’expérience nous montre comme capables de contenir ou d’anéantir les impulsions que les passions donnent aux volontés des hommes. Quelle que soit la cause (libre ou non) qui fait agir les hommes, on est en droit d’arrêter les effets de leurs actions. Que les actions soient libres ou nécessaires, la société punit les coupables quand, après leur avoir présenté des motifs assez puissants pour agir sur des êtres raisonnables, elle voit que ces motifs n’ont pu vaincre les impulsions de leur nature dépravée[2]. » Diderot raisonne de même.

On peut enfin condamner à mort le coupable « quand il n’y a pas d’autre moyen de sauver la vie du plus grand nombre : c’est le cas où l’on tue un chien enragé[3]. »

Ainsi ils ont très bien vu que les déterministes ne sont pas désarmés devant le crime et ils ont établi, comme tels, et bien avant les philosophes anglais, non seulement l’utilité, mais la légitimité de la peine. Celle-ci, ils la fondent uniquement sur l’intérêt social et, par là, ils vont renouveler et humaniser cette législation barbare qui fait du magistrat moins le juge que l’ennemi de l’accusé. En premier lieu, ils songent à prévenir le crime : « un imbécile obéi peut, comme un autre, punir les forfaits ; le véritable homme d’État sait les prévenir ; c’est sur la volonté encore plus que sur les actions qu’il étend son empire[4]. »

« Il vaut mieux, dira Voltaire, prévenir les malheurs que

  1. Éléments de philosophie, chap. vii.
  2. D’Holbach : Syst. de la Nature, I, 247.
  3. Voltaire : Prix de la justice et de l’humanité.
  4. Encyclopédie : art. Économie politique.