Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/228

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librairie et, comme tel, chef responsable de la censure, mais encore Président de la cour des aides et fils du chancelier, c’est-à-dire, du premier magistrat du royaume, du ministre inamovible qui présidait les Conseils en l’absence du roi, comment s’y prit-il, dis-je, pour protéger, à la fois, sans blesser l’opinion publique et sans manquer aux devoirs de sa charge, cette redoutable Encyclopédie, dont il a dit lui-même que « nul ouvrage n’excita plus de clameurs de la part du clergé, des magistrats, et d’une grande partie du public[1] ? » Voyons d’abord comment, par quel biais, il réussit à servir les Encyclopédistes ; nous apprécierons ensuite si ces services, il avait, dans sa haute situation, le droit de les leur rendre.

Sa protection, pour n’être pas toujours ostensible et directe, n’en fut pas moins des plus efficaces : par exemple, en 1758, ce n’est pas l’Encyclopédie, mais les prérogatives du chancelier, c’est-à-dire du roi, qu’il défend contre le parlement, lequel avait été assez osé pour interdire le débit d’un ouvrage muni du privilège royal : « Cet arrêt rendu contre l’Encyclopédie peut avoir, dit-il, des suites très préjudiciables pour l’autorité du roi, si elles ne sont prévenues. Je me contenterai d’observer que cette démarche a peut-être pour motif secret d’attribuer au parlement une autorité illégitime sur la portion d’administration que le roi doit réserver à son Conseil[2]. »

Une autre fois, il parlera des sommes immenses engagées dans l’entreprise qu’il ne faut pas faire sortir du royaume en forçant les imprimeurs à passer à l’étranger ; ou bien il plaidera la cause des libraires qu’on va ruiner sans qu’on puisse, en même temps, indemniser les souscripteurs. Après l’apparition du septième volume et l’arrêt du Conseil qui révoquait le privilège de l’Encyclopédie (1759), on ordonnait aux libraires de restituer aux souscripteurs le prix des volumes payés d’avance. Malesher-

  1. Mém. sur la Librairie, 1809.
  2. Ibid.