Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/272

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« ironiques » et légers, et que tout le monde trouve longs, lents et lourds, entre un chevalier philosophe et une baronne, « l’ornement de son sexe », que le chevalier entreprend de convertir à la philosophie. « Que le sexe même ne soit point effrayé » de ces discussions ; ce sont des petites lettres nullement « hérissées d’arguments ni de démonstrations rigoureuses » ; s’il les intitule les Helviennes, c’est en souvenir de sa patrie, le Vivarais, qui est l’ancien pays des Helviens. Il leur donne aussi en sous-titre le nom de Provinciales philosophiques et ce nom seul aurait dû lui rappeler qu’il suffit de dix-huit provinciales pour écraser un ennemi, son ordre l’avait jadis appris à ses dépens. Mais si le jésuite se souvient de Pascal, l’écrivain ne s’en inspire guère, car il lui faut cinq gros volumes pour convaincre les philosophes (ainsi que l’en félicite son censeur Lourdet, professeur royal), « d’avoir empoisonné les sources de la physique et de la métaphysique et dégradé honteusement l’humanité toute entière ». Le chevalier, qui représente la philosophie, et que Barruel trouve spirituel d’appeler, pour cette raison, le chevalier de Kaki-Soph, expose naturellement les doctrines des philosophes sous leur plus mauvais jour, met en regard leurs contradictions ou leurs doutes, cite des passages détachés et qu’il falsifie cavalièrement pour les besoins de sa cause, si bien qu’il fait naître dans l’esprit du lecteur « le terrible soupçon que c’est la Faculté, bien plus que la Sorbonne, qui aurait dû examiner l’état du cerveau des Raynal, des Diderot, des d’Alembert et de tant d’autres » ; et, après un tel examen : « qui sait si un seul de nos sages oserait se montrer à quinze pas des petites-maisons[1]. »

Le Père Bonhomme, tout docteur de Sorbonne qu’il est, ne manie guère mieux l’ironie dans son « Éloge de l’Encyclopédie et des Encyclopédistes[2] ». Il ne réussit qu’à se

  1. Helviennes ou Lettres Provinciales philosophiques, nouv. édition. Paris, Moutard, 1784, III, 305.
  2. La Haye, 1759, sous le nom de P. Fruchet, et paru d’abord (1754) sous ce titre : Réflexions d’un Franciscain contre l’Encyclopédie.