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Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/308

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sauter aux yeux et que les faits qui l’établissent, les prophéties, par exemple, soient indéniables. Mais Voltaire ne prétendait-il pas « qu’il faut avoir l’esprit ouvert pour comprendre les prophéties »[1] ? Comprendre n’est pas nécessaire, disaient, à leur tour, les théologiens ; il suffit de connaître ces vérités qui semblent au premier abord, suivant le mot de Pascal, « un peu tirées par les cheveux » : comme si l’on pouvait connaître ce que l’on ne comprend pas du tout ! Et ainsi ce qu’ils appelaient « une soumission raisonnable » c’était, en définitive, la soumission de la raison. Ne disaient-ils pas, par exemple, qu’une « vérité évidente ne cesse pas de l’être quoiqu’on lui oppose des difficultés insolubles[2] » ?

Il est, dit un autre, dans la nature des choses de ne point présenter au tribunal de la raison le fond des vérités divines, et ainsi rien n’est plus raisonnable que de les croire sans les comprendre[3]. Mais alors pourquoi prétendez-vous m’expliquer « clairement et précisément l’objet révélé, à savoir : une nature en Dieu et trois personnes, le Verbe uni hypostatiquement avec la nature humaine[4] » ? et pourquoi essayez-vous encore de me démontrer scientifiquement que « toutes les prophéties ont été vérifiées », quand surtout vous ajoutez : « les semaines des prophéties de Daniel sont des semaines d’années » ? Faites donc plutôt comme le théologien des Lettres persanes : affirmez que vous êtes infaillible et que le Saint-Esprit vous éclaire, mais bornez-vous à l’affirmer ; car si vous voulez le prouver, vous vous condamnez vous-même à dire théologiquement beaucoup de sottises[5].

  1. Dict. philosoph., art. prophéties.
  2. Le P. Richard : sa réfutation de Robinet, p. 40.
  3. Le P. Gauchat : Lettres critiques, t. X. Bossuet n’avait-il pas dit, à propos des mystères, « qu’il faut croire et adorer ce qu’on n’entend pas ». (IIe Avertissement aux protestants.)
  4. Ibid.
  5. Comme celle-ci, parmi tant d’autres : « L’auteur de l’Examen important de milord Bolingbroke demande si Moïse a lu son Pentateuque aux Juifs, s’ils étaient capables de le signer comme témoins. — Oui,