Page:Ducros - Les Encyclopédistes.djvu/310

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comme Rousseau, un abbé de Saint-Cyr trouve plaisant que le Discours préliminaire de l’Encyclopédie ait osé prétendre « que la liberté est nécessaire à la vraie philosophie ». Et toutes les fois que, sur n’importe quelle matière paraît un livre quelque peu hardi, de tous côtés et par tous les moyens, par la bouche de ses évêques dans les Assemblées générales, par la plume de ses théologiens et de ses pamphlétaires, l’Église s’empresse de désigner aux colères de la Sorbonne, aux condamnations du parlement et aux justes rigueurs du Roi, l’incrédule qui, c’est son expression, « ose lever la tête » et le penseur qui a hasardé quelque nouveauté. « N’est-ce pas, en effet, s’écrie un théologien, à la tolérance civile que le déisme doit ses progrès ! Heureusement, continue-t-il, vous ne serez jamais les plus forts. Le Magistrat va lancer contre vous une foudre qui saura mieux se faire respecter que celle que vous bravez depuis longtemps[1]. »

Et que disaient donc ces philosophes qui provoquât de telles fureurs ? Ils disaient que « ce serait peut-être faire injure à la Divinité que d’imaginer que cet être plein de bonté et de justice fût capable de punir nos fautes par une infinité de tourments[2] », et que, d’autre part, il est bien dur d’admettre que le nombre infini de ceux qui n’ont pas connu Jésus-Christ, dussent être irrévocablement damnés. À quoi Chaumeix, ou l’a vu, répondait sans s’émouvoir autrement : « Quelle difficulté trouvez-vous à ce que la plus grande partie du genre humain périsse éternellement[3]. » Ils disaient encore (dans le Dictionnaire philosophique) qu’il parut absurde à plusieurs Pères de brûler, pendant toute l’éternité, un pauvre homme, pour avoir volé une chèvre. — À quoi Bergier, intraitable, répliquait ; « Dire qu’il est absurde de punir éternellement le vol, c’est ouvrir la porte aux plus grands forfaits[4]. » Ailleurs ils rappelaient que

  1. Le P. Bonhomme : Éloge…, 1759 ; 121, 3.
  2. Encyclop., art. Genève.
  3. Préjugés légit. sur l’Encyclop., II, 239.
  4. Apol., II, 562.