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III. — l’humanité


Nous voici arrivés à la troisième grande idée du dix-huitième siècle : l’humanité. C’est à cette idée que devaient aboutir les philosophes qui étaient partis des deux premières : la nature et la raison. Il n’y a, au fond, pensaient-ils, qu’une science, la science de la nature : et, dans l’homme même, c’est la nature encore qui est la base de la morale. Mais, cette science de la nature et cette morale naturelle, c’est la raison qui les a fondées l’une et l’autre. Enfin, la nature a son expression la plus haute, et la raison elle-même se réalise, dans l’humanité. Nous retrouvons, rattachées l’une à l’autre, ces trois idées fécondes du dix-huitième siècle, dans cette phrase de Voltaire : « La raison, disait M. André, voyage à petites journées du nord au midi, avec ses deux intimes amies : l’expérience (ou science de la nature) et la tolérance (ou humanité)[1]. »

Nous allons rappeler en peu de mots ce qu’a inspiré aux philosophes cette idée suprême, l’humanité, qui était la fin dernière et comme le couronnement de leur naturalisme rationnel.

Tout d’abord cette idée s’opposait directement à l’intolérance qui est inséparable de toute religion : toute religion, en effet, est essentiellement missionnaire et conquérante ; elle languit et meurt du jour où le croyant ne considère plus sa foi comme la meilleure et ne cherche pas à la faire prévaloir sur toutes les autres. Pour ne parler que de la religion que combattaient les philosophes, on peut dire que l’intolérance fut contemporaine du christianisme naissant : « On disputait dans l’Église primitive de Jérusalem comme dans les nôtres. Pierre, Jacques et Paul

  1. L’Homme aux quarante écus.