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du pape et leurs miracles scandaleux avaient compromis à la fois l’autorité de l’Église et la sainteté de la religion ? Diderot s’empara de cet argument ad hominem et comme il avait ici pleinement raison, il sut être éloquent sans déclamer : « M. d’Auxerre termine son Instruction pastorale par une péroraison très pathétique, dans laquelle il exhorte les pasteurs de son diocèse à s’opposer de toutes leurs forces à l’incrédulité et à ses progrès. Je n’ai garde de blâmer ce zèle. Je voudrais que la voix en retentît dans toutes les parties de l’Église et réunît les efforts des fidèles contre le torrent de l’impiété. Mais comment un bonheur si grand pourra-t-il arriver ? L’appelant reconnaîtra-t-il enfin que son inflexible opposition aux décrets de l’Église, que les troubles qu’il a fomentés de toutes parts et que les disputes qu’il nourrit depuis quarante ans et davantage, ont fait plus d’indifférents et plus d’incrédules que toutes les productions de la philosophie ? Se soumettra-t-il ? mettra-t-il son front indocile dans la poussière ? Ô cruels ennemis de Jésus-Christ, ne vous lasserez-vous point de troubler la paix de son Église ? C’est vous qui avez encouragé les peuples à lever un œil curieux sur les objets devant lesquels ils se prosternaient avec humilité ; à raisonner, quand ils devaient croire ; à discuter, quand ils devaient adorer. C’est l’incroyable audace avec laquelle vos fanatiques ont affronté la persécution, qui a presque anéanti la preuve des martyrs. L’impie les a vus se réjouir des châtiments que l’autorité publique leur infligeait et il a dit : « Un miracle ne prouve rien : il ne suppose qu’un insensé qui veut mourir et des inhumains qui le tuent. » C’est le spectacle de vos « convulsions » qui a ébranlé le témoignage des miracles. L’impie a vu, dans la capitale du royaume, vos tours de force érigés en prodiges divins et il a dit : « Un miracle ne prouve rien ; il ne suppose que des fourbes adroits et des témoins imbéciles[1]. »

Cependant, le ministre d’Argenson avait fait lever l’inter-

  1. Did., t. I, p. 481.