Page:Dufay - L’Impôt Progressif en France,1905.djvu/304

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priétés et de petites fortunes. Ne frapper que les riches, pour leur demander le nombre considérable de millions nécessaires à l’exonération des pauvres est donc aussi impossible qu’injuste et, même pratiquement, ce ne serait un moyen possible qu’à condition de réduire les dépenses de l’État dans une proportion dont on ne saurait entrevoir la possibilité.

Dira-t-on que les riches, puisque quelques riches il y a, se refusent à supporter proportionnellement à leur fortune les charges du pays ? Ce serait absurde. Ils se refusent à payer tout seuls les charges épouvantables d’un budget démocratique. De bons apôtres leur conseillent d’accepter cependant de bon cœur cette douce perspective, pour éviter pire, notamment pour empêcher le flot populaire de renverser en sa fureur tous les obstacles qui s’opposent encore au partage intégral des richesses. Cet argument de la soupape ouverte pour éviter l’éclatement de la chaudière sociale m’a toujours paru idiot. Par ce système de concessions, on ruine tout et on ne sauve rien. Supposez qu’ayant au bras un panier plein d’os vous vous trouviez en face d’un tigre. Croyez-vous que vous vous sauveriez en lui jetant successivement tous vos os ? Il les avalera tous et puis après il avalera les vôtres comme dessert. Le bouleversement social arrivera, je n’en doute point, j’en suis sûr, je l’attends. À certains égards, il ne sera que la juste punition des fautes et des crimes de cette société pourrie, mais il est absurde d’en justifier par avance tous les excès, par des