Page:Dufay - L’Impôt Progressif en France,1905.djvu/463

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auraient sans doute continué à se disputer la direction politique du pays[1]. Si donc la réforme fiscale en question devait ajouter aux difficultés politiques, il serait prudent de l’ajourner peut-être encore longtemps. Mais si cette réforme est présentée avec bonne foi, dans l’intérêt des classes laborieuses, et si elle est acceptée, je ne dis pas avec joie, mais avec une certaine générosité commandée par les circonstances, de la part de la classe riche, elle peut être, contrairement à l’avis de M. Kergall, une cause de pacification sociale, et, en même temps, une cause de fonctionnement normal et durable d’un gouvernement républicain[2].

L’exemption d’impôt à la base serait, suivant le critique, une oppression pour les classes riches. Nous croyons, au contraire, que l’oppression pèse aujourd’hui sur la classe pauvre, que, faisant cesser cette oppression, on lui préparerait un sort meilleur ; et, loin de tarir par là la source du travail, comme on l’a prétendu, on le rendrait plus actif en laissant au travailleur une plus grande partie de son produit. Nos préjugés héréditaires nous ont habitués à une étrange idée ; il nous paraît excessif aujourd’hui de soutenir que le prélèvement par l’usure et par l’impôt sur le travail est une injustice ; un jour viendra peut-être où il paraîtra extraordinaire qu’on ait attendu si longtemps avant de comprendre cette vérité. Ce qu’il y a de certain, c’est que les nations où cette exemption

  1. Problèmes politiques (Armand Colin 1901) page 294.
  2. Le danger de la République n’est pas dans l’impôt progressif : il est dans l’inaptitude du peuple français à s’affranchir du filet à mailles serrées de la centralisation. Avec une capitale plus absorbante que jamais, le problème de la décentralisation est difficile à résoudre.