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parlons de ta mère, je lui disais : Hé bien ! mon père, nous allons donc pleurer, et ce mot seul lui tirait déjà des larmes. Ah ! disait-il en gémissant, rends-la moi, console-moi d’elle, remplis le vide qu’elle a laissé dans mon âme. T’aimerais-je ainsi si tu n’étais que mon fils ! » Cette sensibilité, fort naturelle à propos de la perte d’un être chéri, devient faiblesse et presque maladie lorsqu’elle se prolonge indéfiniment. Isaac, s’il avait eu quelque énergie, et puisqu’il faisait profession d’aimer tant son fils, aurait mieux fait de donner à sa douleur un cours plus utile. Il devait se sentir désormais l’unique soutien de ses enfants, et il aurait puisé quelque consolation dans la pensée qu’il allait leur apprendre à marcher sur les traces d’une mère dont la perte paraissait irréparable. Il y là l’indice d’une âme mal trempée, d’un esprit peu équilibré et même égoïste. La suite le montra bien. Au lieu de développer l’intelligence et le cœur de son enfant par des conversations saines et substantielles, dans les longues heures qu’ils passaient ensemble, le père consacre ses nuits à lire avec son fils des romans, ce qui était bien le plus fâcheux aliment qu’on pût offrir à une imagination déjà vive. Et ce n’est qu’ensuite et comme à regret que, cette littérature si malsaine étant épuisée, on se décida à aborder des ouvrages